mercredi 18 décembre 2013

SUR L' ÉCRITURE


ECRITURE ET LIBERTE

Nous vivons dans un monde graphématisé, c'est-à-dire où nous utilisons l'écriture et la lecture pour nous orienter (affiches, pancartes, signalétiques, étiquettes, packaging, écrans, etc.). Dans les sociétés anciennes, on recourait davantage à l'information orale et aux indices naturels (traces, empreintes, astres, etc.). Qu'est-ce qui explique cette évolution ? Doit-on y voir le signe d'un progrès et d'un gain de liberté ? Qu'a-t-on perdu dans ce processus ? N'est-il pas à l'origine de nouvelles formes d'aliénation ?



L'écriture est apparue dans l'histoire de l'humanité en Mésopotamie vers 3300 avant JC, créant une ligne de fracture entre les peuples sans écriture (préhistoriques) et avec (historiques). Toutefois, les sociétés sans écritures se servent de traces diverses pour fixer le statut de chacun ou les grandes lignes de leur histoire et de leur mythologie. Il a souvent été affirmé que les peuples de l'écrit sont plus évolués que ceux de l'oral, ou que la religion du livre est supérieure au polythéisme – tout comme les classes éduquées se perçoivent comme supérieures aux autres. Ces préjugés ont été combattus, par exemple par C. Levi-Stauss lorsqu'il affirme que chaque société évolue dans un domaine qui lui est propre (art, morale, etc.) sans se concentrer nécessairement sur l'évolution technique.

Néanmoins, cela ne nous interdit pas de considérer l'arrivée de l'écriture comme une émancipation. N'y a-t-il pas un réel pouvoir lié à l'écriture et la lecture ? D'après Leroi-Gourhan, les techniques sont des externalisations amplificatrices de nos facultés. L'automobile serait par exemple une amélioration des jambes. Par conséquent, l'écriture serait une externalisation de nos facultés mentales (mémoire, imagination, raison). L'ordinateur apparaît comme un développement de l'écriture. Par conséquent, savoir écrire et lire c'est mieux retenir, anticiper, calculer.

On note aussi que l'écriture est une extension de l'oralité. Ainsi l'écriture permet-elle d'augmenter notre faculté de communiquer dans l'espace et le temps. L'invention de l'imprimerie puis d'internet ont démultiplié ces moyens de communication. Par conséquent, la coopération et l'intelligence collective s'en sont trouvés accrus, accélérant le rythme de la créativité.

Internet s'inscrit dans le projet encyclopédique de transcription de la réalité naturelle et humaine. L'écrit permet d'archiver, d'analyser, de partager etc. A mesure que le monde est transcrit, il est compris, lu et relu dans les moindres détails. Ainsi, l'écriture apparaît-elle comme un moyen de clarification et de réflexion. Le savoir devient un pouvoir. Nous pouvons d'autant plus maîtriser le monde qu'il est écrit (en langage mathématique, précisait Galilée).

Du point de vue du pouvoir et du gouvernement, l'écrit est un instrument de contrôle et donc un moyen pour les dominants d'être libres d'exercer leur volonté. L'écrit permet d'élaborer des fichiers en cumulant symboles (noms), icônes (photos) et indices (empreintes) (Bertillon). Le travail de la police devenant plus efficace, le gouvernement est plus à même de faire respecter l'ordre qu'il désire.

Comme le pouvoir politique, le pouvoir commercial dépend de l'écrit. Il en est d'ailleurs fait un usage commercial et administratif dès le départ en Mésopotamie - même si les fonctions religieuses, esthétiques et ludiques ne tardèrent pas à s'y ajouter. L'écrit permet de fixer un patrimoine, d'enregistrer des biens, de signer des contrats et apparaît comme une pratique monétaire capable de remplacer les métaux précieux.

Puisque nous traitons de l'écriture comptable, nous pouvons aussi remarquer que les sciences mathématiques sont dépendantes de l'écrit. Les calculs complexes ne sont possibles qu'en étant écrits, la mémoire humaine étant trop faible. De même, l'intuition visuelle géométrique est soutenue par le tracé extérieur du dessin.

Sur le plan littéraire, l'écriture a permis l'évolution de la langue par ses analyses et sa distance. La poésie s'est développée grâce à la transcription, ainsi que la transformation manuelle et visuelle des mots. De même, la poésie sonore a-t-elle profité de la transcription pour augmenter les effets musicaux de la langue.

A propos de l'utilisation de l'écriture en musique, Rousseau remarque, pour le critiquer, que la notation permet l'harmonisation. A vrai dire, l'écriture musicale a permis de compliquer l'architecture musicale. Une symphonie ne pourrait être coordonnée sans l'écrit. Quant à la musique électronique, elle n'est rendue possible que par la transcription électronique des sons.

Il est évident que les évolutions architecturales sont elles aussi liées au calcul, au plan, etc. L'évolution des techniques et des formes est largement tributaire de la projection sur le papier. Nous pourrions ajouter à la longue liste des arts qui ont évolué grâce aux outils d'écriture : le design, le graphisme, la danse, le théâtre, le cinéma, la vidéo etc.

Au delà des avantages techniques et esthétiques, il faut considérer l'évolution sociale. Grâce à l'écrit sont apparues de nouvelles formes d'émancipations. De manière générale, la lecture et l'écriture permettent de s'émanciper du groupe (R. Bradbury, G. Orwell), soit pour rêver ou réfléchir, mais aussi pour prendre conscience de son aliénation. Si l'accès au livre pour les femmes et les esclaves fut interdit, ce fut pour éviter que ne se développe un esprit de contestation.

A partir de cette propriété particulière du livre s'est développée l'idée des Lumières de démocratiser l'écrit. L'alphabétisation générale eut comme ambition l'émancipation universelle de l'espèce humaine (même si une certaine propagande en fut la contrepartie, comme nous le verrons). L'autonomie de chacun est clairement attachée à la maîtrise de la lecture et de l'écriture.

On peut opposer très nettement le totalitarisme, basé sur la parole et l'affectivité à l'égard du chef, à la démocratie qui accorde à l'individu, à travers l'écrit, la possibilité de développer un point de vue personnel. Sa diffusion peut générer des mouvements d'opposition et de révolte.

La lecture silencieuse, rejoignant le silence de l'écriture, suscite une certaine inquiétude dans les sociétés traditionnelles où les liens interindividuels sont puissants. Le lecteur paraît plongé seul dans un autre monde et semble comploter avec quelques puissance mystérieuses (comme c'est le cas des utilisateurs de sms). De plus, la mobilité du livre, peu à peu sorti des bibliothèques, confère au lecteur une indépendance en toutes circonstances. L'ennui dans les files d'attente, dans les transports, au sein de la mauvaise compagnie, est facilement trompé dès lors que l'on détient dans sa poche un narrateur passionnant.

Il faut souligner la liberté dont jouit le lecteur par rapport à l'auteur. Apparemment libre d'écrire ce qu'il veut, l'auteur reste néanmoins prisonnier de l'angoisse d'avoir à affronter le jugement de son lecteur anonyme. Il est prié de se rendre compréhensible, de s'objectiver, de se couler dans le moule d'un langage tolérable, tant sur le plan grammatical que moral ou politique. Le lecteur, lui, lit ce qu'il veut, quand il veut, quittant un auteur pour un autre et s'appropriant le texte comme bon lui semble (ce qui donne lieu à des récupération, comme Nietzsche par les fascistes ou Marx par les soviétiques).

L'écrit nous place dans une situation d'indépendance par rapport au groupe, tout en permettant une sorte de dialogue aveugle. Nous ne nous sentons plus seuls en lisant ou en écrivant, sans pour autant être soumis à qui que ce soit de précis. Ainsi, nous pouvons nous livrer avec une sorte d'impudeur et transgresser les frontières de ce qui peut être dit ou entendu. L'écrit permet ainsi une liberté de parole que nous n'aurions pas à l'oral. Cela apparaît également dans l'échange épistolaire où nous nous faisons plus audacieux que dans le face à face.

L'auteur et, à plus forte raison, le lecteur sont des rêveurs éveillés (Bachelard). Ainsi, l'écrit n'est-il pas seulement le support de la raison, mais aussi aussi celui de l'imaginaire à travers la poésie. Le lecteur s'aventure dans des imaginaires inconnus, en même temps qu'il chemine au sein de sa propre imagination. La lecture, par rapport à la vision de l'image matérielle, nous conduit à rencontrer des images mentales sorties de notre propre fore intérieur.

La lecture agit aussi comme un régulateur de la pensée. En même temps que je peux aller, venir et m'arrêter dans ma lecture, je peux couler ma pensée dans celle de l'auteur. Ainsi je me libère des obsessions liées à ma vie avec les autres pour m'ouvrir à des idées nouvelles. Dans ce mouvement, ma pensée est libre de quitter les lignes que je lis pour s'évader dans les méditations suscitées par l'arrière fond de ma lecture.

Enfin, le livre est le garant d'une pensée nomade. A la culture enracinée dans un site terrestre, le livre substitue un territoire utopique. Le référent culturel n'est plus tel lieu ou telle époque. De plus, la traduction permet la migration à travers les époques. Nous pouvons confronter les temps passés et inventer les mondes à venir (Platon, Moore, etc).

Avec les nouvelles technologies, nous observons la généralisation de la réversibilité de l'écriture et de la lecture avec la lecture hypertextuelle, qui est une forme de lecture-écriture. L'interactivité permet les citations, les copier-coller, et de travailler l'écriture directement à partir d'autres textes.



D'une manière générale, l'histoire de l'écriture est perçue comme l'histoire du progrès de l'humanité, de la raison, de la technique, de la société et de la liberté. Le développement d'un pays suppose l'accès à tous à la lecture. L'utilisation même des technologies modernes ne va pas sans l'usage de l'écriture. Comment pourrait-on dans ce cas critiquer l'écrit ? Qui souhaiterait voir les hommes rester analphabètes ou revenir à la préhistoire ?

Tout d'abord, on peut critiquer l'écrit sans pour autant prôner sa disparition, en en déplorant simplement un certain usage. L'écrit peut être un outil d'homogénéisation des sociétés. En apprenant à lire et écrire, nous apprenons non seulement une technique mais aussi un contenu. L'école peut être le lieu où l'on enseigne, à travers la lecture choisie, une religion, une morale, une philosophie, une langue. Autrement dit, l'écrit est un outil de centralisation des consciences, au même titre que les autres médias.

L'écriture est un outil d'administration gouvernementale et commerciale. Elle permet de hiérarchiser la société en évaluant les qualifications. Nous vivons dans des mondes hautement bureaucratiques, kafkaïens, où les rapports interpersonnels sont souvent étouffés par des procédures écrites. La lourdeur administrative ou la crise boursière n'existeraient pas sans l'écrit.

Comme toutes les techniques, l'écriture génère des inégalités. Analphabètes et illettrés constituent un ensemble dominé, affaibli, dépendant, réduit au silence. Dans le système moderne, les faiblesses à l'écrit et les difficultés de lecture sont des handicaps importants. De plus, l'apprentissage de l'écrit a une incidence sur la qualité de l'expression orale, laquelle est un facteur de discrimination sociale supplémentaire dans certains milieux.

En s'appuyant sur les frustrations des classes les moins éduquées, le populisme tend à valoriser l'oral contre l'écrit. Cela passe par une critique systématique des intellectuels ou des élites. Le fascisme promet une révolution culturelle où les livres seront brûlés et les écrivains éliminés au profit du bons sens populaire. Le travail, la fête, le sport et la guerre sont supposés créer une collectivité soudée là où l'écriture engendrait individualisme et élitisme.

Le totalitarisme utilise les médias les plus proches de l'oralité (cinéma, radio, télé) pour organiser la société autour d'une parole forte, charismatique et omniprésente. L'influence immédiate et affective de l'oralité assure plus certainement l'adhésion de l'auditeur que l'écrit vis-à-vis duquel le lecteur peut aisément prendre ses distances.

L'écrit, tout comme la parole d'ailleurs, peut être déprécié au profit de l'action. La promesse verbale et le contrat écrit sont considéré comme des engagements toujours douteux. On se méfie des beaux parleurs et l'on n'accorde une véritable confiance qu'aux actes eux-mêmes. On parle alors de réalisme ou de pragmatisme, en dénonçant les rêveries utopiques ou les sophismes.

J. Derrida a mis en valeur un aspect important de la tradition philosophique mais aussi, sans doute, de notre civilisation. En dépit de la place énorme qu'a pris l'écrit dans nos sociétés, celui-ci a toujours été un objet de méfiance. L'écrit est assimilé à une parole morte, figée, voire mensongère par rapport à l'oral. L'important, dit-on, est l'esprit derrière la lettre. Dans Phèdre, Socrate affirme que l'écrit ne répond pas quand on l'interroge, pas davantage qu'un cadavre.

L'écrit, en tant que signe, prend la place de la parole dont il est le signe. Ainsi, l'écrit indique-t-il une absence, laquelle renvoie à une présence lointaine, objet de nostalgie et de vénération. Cette conception relève d'un certain mysticisme qui privilégierait la présence authentique d'un esprit, d'une essence, par rapport au simulacre de l'écrit. A partir de ce principe, la démarche philosophique serait hantée par un désir de fusion, d'intuition directe de la nature vraie des choses dissimulées par des artifices.

On trouvera chez Rousseau une condamnation des arts et des techniques de l'écrit. Celui-ci cultive une vision nostalgique et pré-romantique du bon sauvage corrompu par la civilisation. L'écrit, certes, donne aux hommes la capacité de s'exprimer avec exactitude mais au détriment de l'expressivité. La raison, pourrions-nous dire, s'est développée au détriment du cœur. D'une certaine manière, ce refroidissement des sentiments humain aura des conséquences morales, éteignant les rapports naturels de pitié, d'amour et d'amitié et créant des rapports artificiels d'honneur et de prestige.

Le romantisme est, bien entendu, un mouvement littéraire. Mais, par un effet boomerang (l'habit crée la nudité, la parole le silence, la voiture le jogging), il développera une sorte de technophobie qui débouchera sur une valorisation de la vie primitive et naturelle, ainsi que les traditions orales. Sous une forme réactionnaire ou révolutionnaire, à droite comme à gauche, le romantisme tend à valoriser l'immédiateté, la vie simple et la campagne.

La philosophie de Heidegger présente des aspects similaires. Elle s'attaque à la rationalisation du monde et à la manière dont l'homme habite la nature qu'il réduit à des atomes comptabilisables. Heidegger rejoint également une forme d'état d'esprit orientaliste, valorisant la poésie contre les mathématiques, le silence, le laisser-être, contre le bavardage et le volontarisme agressif de la société moderne. Il ne condamne pas l'écrit totalement mais l'écriture superficielle et artificielle éloignée du souffle de l'oralité des poètes.

Nous pourrions qualifier de vitalistes ou d'existentialistes les philosophes inquiets de la mécanisation du monde entraînée par le système de l'écrit. La liste est importante de ceux qui, de Nietzsche à Sartre en passant par Bergson, se méfient d'une langue réduite à la structure de l'écrit, d'une langue figée qui remplacerait le flux complexe du monde par des étiquettes grossières.

Dans les courants libertaires liés à mai 68, chez H. Lefebvre ou G. Debord, on trouve une critique du discours marchand basé sur une forme de rationalité économique et de goût du spectacle. Alors que la parole libre, vivante et inattendue porte en elle un élan révolutionnaire émancipateur, le discours des politiques et des marchands étouffe dans son organisation la vie populaire. Ce romantisme de gauche ne rejette pas l'écrit mais son usage officiel, conventionnel et stéréotypé. Il fournit l'occasion d'expériences originales et radicales concernant les arts et la vie.

Peu de temps après apparaîtra la démocratisation de l'informatique et d'internet. L'écran remplace alors le papier. Or la lecture à l'écran va susciter des critiques revalorisant non seulement la parole mais aussi la lecture papier. La lecture à l'écran est accusée d'être une lecture distraite, décousue, superficielle qui, en outre, virtualise les rapports humains en nous éloignant les uns les autres et nous déconnecte du monde réel. On dénonce également un appauvrissement de la langue, soit trop proche de l'anglais international soit trop éloignée de l'orthographe. Elle devient une sorte d'écrit-parlé, de phonétisme creux, instrument des rumeurs inconsistantes.

Sociologiquement, cet écrit-parlé génère un discours impersonnel, où l'on ignore qui est l'auteur ou le destinataire, où l'on soupçonne chacun de schizophrénie et de cultiver une personnalité multiple. Le droit d'auteur lui-même se trouve menacé. L'écrit-parlé court sans que l'on sache d'où il provient, à qui il s'adresse, ni à quel degré le prendre. Ce discours à la fluidité indistincte semble annoncer la fin d'un monde et l’avènement d'un homme nouveau connecté à la pensée collective et abreuvé de rumeurs et de publicités sans plus aucun rapport avec la réalité.

A cette évolution qualitative, due à la dématérialisation progressive des supports, s'ajoute une évolution quantitative. De plus en plus de choses s'écrivent et les supports sont de plus en plus éphémères. Pour pallier à la mauvaise qualité du support, il faut une retranscription permanente et des sauvegardes incessantes. Mais l'augmentation exponentielle du volume d'information aboutit à une sorte de vacarme décourageant : nous ne pouvons pas tout lire, ni lire assez rapidement avant que les écrit ne disparaissent.

Pour autant, les livres en papier ne disparaissent pas. Il en sort un quantité faramineuse chaque année, comme si le papier était pris dans la course effrénée du numérique. Cependant, cet accroissement en quantité peut aller avec une diminution en qualité. L'industrie culturelle et les loisirs de masse créent une littérature bon marché parallèle aux programmes télévisés et fonctionnant comme des produits dérivés. Parfois le livre n'est plus qu'un faire valoir, un marqueur social, fonctionnant comme accessoire de mode ou décorum dans les salons ou sur les plateaux télés.



Nous avons vu comme le développement de l'écrit peut être considéré comme un progrès important de l'humanité. Cela a permis d'augmenter nos capacités cognitives et communicatives en même temps que l'autonomie et la liberté de penser de chacun. Il serait impossible aujourd'hui d'envisager l'abandon de l'écrit sans y percevoir une terrible régression. Nous pouvons donc envisager cette technique comme un élément indispensable du patrimoine de l'humanité et, par conséquent, comme un instrument important de notre émancipation.

Cependant, comme toute technique, l'écrit possède ses travers. Le plus remarquable philosophiquement est celui de substituer la représentation à l'expérience du monde réel. La virtualisation du réel par l'écrit nous fait courir le risque de nous éloigner de la vie naturelle et sociale. A mesure que la place de l'écrit devient prépondérante - l'ordinateur code et décode automatiquement le monde -, nous nous éloignons de la vraie vie. Notre environnement se réduit à des messages de plus en plus nombreux concernant les produits que nous consommons ou les interlocuteurs que nous fréquentons sur les réseaux sociaux. Toute technique, dès lors qu'elle n'est plus maîtrisée, peut se retourner contre l'homme qu'elle servait.

Quelle attitude devons-nous adopter dans ce cas vis-à-vis de l'écrit ? Doit-on développer pour l'écrit une sorte d'écologie, comme pour toutes les autres techniques ? Si tel est le cas, nous aurions le choix entre l'environnementalisme et l'écologie profonde, entre le développement durable et la décroissance. Dans le premier cas, il s'agirait de laisser se développer les technologies de l'écrit avec la conviction que les défauts qui apparaissent se résorberont d'eux-mêmes par la correction spontanée des technique, par une sorte d'autorégulation, de main invisible technicienne. Tout comme l'automobile devrait devenir propre, le livre électronique devait atteindre son point de perfection. La seconde alternative consisterait à résister contre une certaine évolution de l'écrit, trop asservi au marketing, à la communication, au management ou à l'idolâtrie technologique, en revalorisant les techniques traditionnelles.

Il revient à chacun de faire son choix parmi ces options. Mais ce que je voudrais souligner, c'est l'effet boomerang du développement des techniques. Les nouvelles pratiques n'effacent pas nécessairement les anciennes mais peuvent, au contraire, par effet de contraste, jeter une lumière nouvelle sur elles. Nous n'avons par exemple jamais autant désiré la nature qu'aujourd'hui, alors que nous vivons sur des sols bétonnés, entourés de carcasses métalliques fumantes et vrombissantes. Nous n'avons jamais autant rêvé de solidarité et d'amitié, alors que nous vivons dans des sociétés atomisées ou les individus et les peuples sont sans cesse en compétition les uns par rapport aux autres. Aussi, à l'ère des échanges numériques et de la communication de masse, nous regardons avec tendresse les pratiques artisanales d'écriture et d'imprimerie, les vieux bouquins et les bibliothèques poussiéreuses, les grandes œuvres littéraires et scientifiques et les cercles d'artistes. Il ne tient qu'à nous de préserver ces réalités autrement que sous forme d'images d'Epinal.

ECRIRE L’ESPACE 

 Nous nous orientons dans l'espace moderne à partir de plans, de pancartes, de panneaux et d'enseignes, à la différence des sociétés traditionnelles qui s'appuyaient sur des indices naturels (astres, empreintes, vent, etc.). Notre navigation sur internet est tout à fait analogue à la façon dont nous progressons dans les rues, en repérant les panneaux, franchissant ou non les accès, en utilisant clés et codes. D'une manière générale, nous vivons dans des espaces écrits, que ce soit en toutes lettres, avec des images ou à même le sol, avec nos édifices. La question se pose de savoir qui écrit, en particulier dans l'espace public. Autrement dit, de qui l'espace est-il vraiment l'espace ? Car les auteurs eux restent invisibles et pourtant exercent leur influence, faisant de chacun de nous essentiellement leur lecteur.

Le concept de société sans écriture est contradictoire. Il faudrait plutôt parler de société sans alphabet. Car tout espace social est écrit, inscrit, sur le territoire par l’habitat et l’aménagement, sur le corps par le costume et la cosmétique. Autrement dit, l’humain, mais aussi l’animal, trace son espace. Concernant le monde urbain, le tracé s’effectue à plusieurs niveaux, mêlant virtuel et réel. Nous avons les transformations de l’espace fonctionnelles et symboliques, par exemple le système des égouts et les monuments religieux. Les images et les symboles s’ajoutent aux objets, sur les panneaux, les affiches, les pancartes. Enfin, la carte s’efforce de refléter ce territoire, tout comme les autres médias, la photo, la vidéo, l’infographie etc. Les articulations entre les espaces réels et virtuels ne cessent de se sophistiquer : réalité augmentée, interfaces tangibles, objets connectés et tous les gadgets de la Smart City.

                L’enjeu de cette codification de l’espace est la régulation, l’administration, la gestion logistique et stratégique de la société. Une lecture politisée verra, dans ce dispositif, les moyens de défendre les privilèges de la classe dominante, plus que l’intérêt de la société tout entière, et le moyen de préserver un statu quo inégalitaire sous couvert de paix sociale. La logique sécuritaire repose sur l’articulation ami/ennemi, à l’intérieur d’une société, en termes identitaires, sexuels, générationnels, économiques ou politiques.      

Le soft power joue une part importante dans cet exercice du pouvoir. L’espace public, mais aussi privé, est saturé d’affiches, d’emballages, de journaux, de messages, d’images, d’écrans, fixant la normalité et caricaturant les minorités. Les médias animés, sonores et vidéos s’intègrent au flux de nos pensées. Les espaces virtuels d’internet s’infiltrent dans notre temporalité personnelle, notre fameux temps de cerveau disponible. Les médias nous influencent donc dans nos achats, nos opinions, nos actions et réactions. Ils rythment nos vies en imposant leur calendrier des activités et des fêtes, des distractions et des mobilisations.

                L’écriture permet l’idéalisation et la diabolisation qui simplifient la réalité. D’un côté les idoles, les stars, les vedettes et les stéréotypes et, de l’autre, les monstres que l’on dévalorise, diabolise ou dissimule. L’écriture est d’emblée rhétorique : hyperboles, litotes, ellipses et novlangue. Le but est d’assurer le contrôle des esprits en même temps que celui des corps. Les auteurs de ces écritures sont les représentants des pouvoirs étatiques, économiques, des institutions qui possèdent les instruments et les droits de diffusion. Ils construisent et maintiennent nos espaces physiques et mentaux.

Si l’espace numérique est le dernier avatar de l’écriture, il jette une lumière nouvelle sur la question de l’auteur et son pouvoir. L’espace numérique, comme l’espace matériel, est fonctionnel et symbolique, fait d’accès et de frontières, de priorités, de propriétés et de contrôles. Les espaces publics virtuels, ceux des grandes marques de logiciels, accueillent des espaces privés, de la même façon que dans l’espace réel. L’intimité du privé s’insinue dans les interstices du territoire national ou commercial. L’espace secret l’est relativement à ce qui est découvert. Il se construit contre l’extérieur qui, lui, tend à percer cette intimité.

                L’espace intime est le premier espace d’écriture d’un contre-pouvoir, l’espace public étant plus lisible que traçable. Tout comme nous écrivons un journal intime, nous aménageons notre intérieur. Cette écriture peut être commune avec ceux qui partagent notre vie. Le problème survient lorsqu’il s’agit de projeter dans l’espace public cette écriture privée personnelle ou collective. Car elle doit développer sa tactique au sein d’une stratégie extérieure. Cette tactique relève de différents régimes : artistiques, politiques, ludiques et parfois vandales.

                Ces écritures dans l’espace public peuvent être éphémères et mobiles ou pérennes et immobiles. Cela va du meeting, du défilé, des banderoles, des slogans et des prises de paroles, des affiches, des tags, etc. Mais, pour être durable, l’écriture devra passer les épreuves de l’institution politique, artistique ou commerciale. Plus vous êtes indépendants, plus vous êtes éphémères. Cet effacement par le pouvoir a l’avantage paradoxal de souligner l’effectivité de l’écriture publique. On peut, par analogie avec la religion, dire que l’espace public est sacré et qu’y est combattu toute forme de sacrilège.

                Le pouvoir est donc écriture. Le but est d’administrer les hommes. Les institutions exercent soft et hard power. L’intériorité nait à l’abri de l’extériorité, contre elle, protégée ou refoulée par elle. L’espace public est lu et, pour être écrit artistiquement, politiquement ou économiquement, il faut trouver des voies officielles ou non. La difficulté d’écrire l’espace public montre comme l’écrit est redouté et influent. Tout ceci jette une lumière inattendue sur l’écriture, l’art d’écrire, et tout art en tant qu’il écrit, inscrit. Il s’agit au fond de gouverner. Autrement dit, nous émettons de l’information pour agir sur le comportement des autres. Non pas pathologiquement, par simple passion du pouvoir. Mais fonctionnellement, parce que nous dépendons des autres. Nous cherchons à contrôler ce dont nous avons besoin. De plus, nous lisons pour être contrôlés et nous pouvons l’être volontairement. Mais nous avons parfois besoin de passer d’une logique passive à une logique active, pour des raisons personnelles, corporatives, collectives, de survie économique ou symbolique.

Nous pouvons opposer l’art engagé à l’art pour l’art, un art de message, de propagande à un art de performance et d’expérience. Mais la question n’est pas uniquement là, dans le quoi, mais aussi dans le qui, le pourquoi et le comment. Ainsi, l’on verra que l’on peut diffuser les messages les plus enflammés, les plus révolutionnaires, mais d’une manière tout à fait inoffensive, car bien paramétrée, dans un espace prédéfini. Ou alors nous pouvons diffuser un sens apparemment inoffensif dans un cadre impertinent. Mais, sans doute, l’expérience la plus forte serait de dire quelque chose de bouleversant dans un cadre totalement inattendu. De là viennent les vrais bouleversements idéologiques. Pas de conquête sans scandale.

 


samedi 12 octobre 2013

LA SALLE DE BAIN (THE BATHROOM*)


Parmi les évolutions du confort quotidien figure l'amélioration de l'hygiène, en particulier grâce à la démocratisation des équipements dans les habitations. Nous nous concentrerons sur le lieu de la salle de bain, pour essayer de comprendre comment elle s'organise, et évaluerons la façon dont notre corps s'adapte à cet environnement.
La salle de bain est une innovation relativement récente. Au dix-neuvième siècle, se développèrent les premières cabines de douche dans l'armée et les bains collectifs modernes. C'est seulement à la fin du dix-neuvième siècle que les premières salles de bain, sur le modèle des hôtels américains, apparurent (Vigarello). La salle de bain, en tant qu'extension de la chambre à coucher, intègre le processus général d'individualisation des espaces dans les milieux bourgeois (Aries). Ce lieu suppose une infrastructure urbaine complexe de canalisations, qui permet de mieux connecter l'homme à l'habitat et à la ville et d'administrer ses flux organiques. En France, en 1973, seulement 44 % des logements bénéficient de WC, de salle de bain et de chauffage central (Mermet). Aujourd'hui, la salle de bain s'est généralisée et personnalisée, à travers différents styles : naturel, technologique, exotique, etc. La dimension hédoniste est venue compléter l'aspect hygiéniste.
La salle de bain est une petite pièce fonctionnelle dans un coin de la maison. Plus petite que la cuisine, elle nécessite également des arrivées d'eau, un système d'écoulement des eaux usées, de l'énergie pour le chauffage, le fonctionnement des appareils et l'éclairage, quand la lumière naturelle est insuffisante ou absente. Cette pièce subit des écarts de température brusques et est soumise à l'humidité. Celle-ci doit être évacuée par voies aériennes. La pièce est généralement encombrée et doit posséder un lavabo, un bac de douche, parfois une baignoire, des meubles et des étagères. Il y a également des portes, des rideaux, des porte-manteaux, des porte-savons ou des porte-serviettes. Des poignées peuvent être installées pour les personnes à mobilité réduite. La surface des murs et du sol est généralement carrelée pour résister à l'eau. Les couleurs peuvent être vives ou au contraire neutres, en employant par exemple le blanc pour sa connotation hygiénique. De nombreux objets sont présents : peignoirs, serviettes, draps de bain, tapis de bain, miroirs, accessoires, instruments, appareils plus ou moins sophistiqués, ainsi qu'une foule de produits de beauté (savons, shampoings, crèmes, parfums, maquillages, etc.).
A cette description doit s'ajouter une compréhension subjective des usages. On peut soit prendre son temps et se détendre, soit être dans l'urgence. Beaucoup de mouvements sont habituels et spontanés. L'étendue s'organise à travers une série de perceptions et d'actions, exceptionnellement riches pour un espace si petit. Puisqu'on s'y occupe soi-même de son corps, on a tendance à se mouvoir dans de multiples directions. Le nombre important d'objets, de tâches, de précautions, en particulier à cause de l'eau, nous amène à visiter l'espace en tous sens. Il y a de nombreuses cachettes, des creux, des fonds de tiroirs, plus ou moins poussiéreux ou poisseux, des objets égarés etc. Le mobilier est souvent modulable pour pallier à l'étroitesse de l'espace. Il importe de penser à cet univers en action et non simplement tel qu'il est présenté en pièces détachées dans les grandes surfaces. Il faut songer aussi au coût, au nettoyage et au recyclage de ces installations.
La façon dont nous habitons, utilisons et aménageons la salle de bain dépend des cultures, même si le mode de vie moderne tend à se standardiser du fait de la diffusion des dispositifs techniques industriels. On trouve des différences selon l'âge, le genre, la classe sociale, le caractère, etc. Il est donc important d'observer les habitudes d'un large panel de population. La pratique de la salle de bain répond à un rituel précis, du fait de la répétition, et obéit à une certaine routine, plus ou moins agréable, rassurante ou lassante selon les cas. Au départ, il s'agit d'une tâche à accomplir, d'un travail domestique, celui de se laver ou de laver du linge. L'espace de la salle de bain est lui-même régulièrement nettoyé. On peut dire que l'activité principale consiste à se débarrasser de la saleté, de la matière superflue, jugée inutile et repoussante. Ce qui est visé, c'est notre animalité à travers la pilosité, les odeurs, les sécrétions, etc. Ainsi, la toilette a-t-elle pour objet de nous hisser vers une identité idéale, la beauté, en nous débarrassant de ce qui est jugé laid. On peut comparer cela à la cuisine qui transforme le cru en cuit, le cadavre en viande appétissante. Aussi sommes-nous rapidement amenés à dépasser l'activité utilitaires pour le superflu et le décoratif. La besogne devient art, plaisir et loisir. Si l'on a les moyens, on peut se procurer des équipements supplémentaires, comme un jacuzzi. De plus, nous savons que nous serons jugés moralement par les autres sur le soin que nous apportons à notre toilette. On doit apparaître correct, voire soigné. Il ne faut pas oublier que le lavage s'apparente à l'ablution, à la purification religieuse. Il y a donc une dimension morale de la toilette.
La salle de bain est un lieu destiné à notre corps et où nous sommes nus, à la différence de la chambre où l'on s'habille. La peau et la chair y sont découverts et travaillés. Notre corps peut être considéré comme un objet que l'on frotte, que l'on taille, que l'on épile, que l'on rince, etc. Mais il est également ce à travers quoi nous percevons notre environnement et ce grâce à quoi nous nous percevons nous-mêmes (proprioception). Ainsi, nous percevons des objets, des sons, repérons des signes qui guident notre action, sentons la chaleur, les odeurs ; mais aussi nos muscles qui se détendent et nos yeux qui piquent sous la douche. Nous vivons dans la salle de bain des moments riches en sensations plus ou moins agréables. Notons que ce lieu n'est pas dénué d'érotisme, en raison de notre nudité, des contacts cutanés, des odeurs, de la chaleur et de l'humidité. Tout comme la chambre à coucher, la salle de bain est un endroit particulièrement intime. Il s'agit d'un coin reculé, solitaire, protégé du regard des autres, où la honte et la pudeur s'effacent. Pour autant, la salle de bain peut être partagée avec un proche ou le personnel, en cas d'hospitalisation par exemple. Dans les foyers, des objets et des produits peuvent être mis en commun ; ou bien l'on doit repérer ce qui nous appartient en propre par rapport aux affaires des autres.
La salle de bain est donc un lieu où l'on s'occupe du corps, comme il y a des lieux où l'on mange, fait du sport ou se soigne. L'entretien de notre corps s'adresse à nous-mêmes en même temps qu'aux autres. Il s'agit de construire son image publique, de travailler notre mise en scène pour plaire, séduire, être reconnu et nous sentir à l'aise dans le regard des autres (Lebreton). On peut dire que la salle de bain est un atelier de design de soi, d'auto-architecture. Nous y construisons une identité qui à la fois répond à un imaginaire collectif et se distingue à travers une image plus personnelle. On travaille à se faire plus jeune ou plus vieux, plus mince ou plus musclé, en cherchant dans les miroirs à concilier ce que l'on perçoit avec ce que l'on imagine, sans toujours bien faire la différence. C'est pourquoi la salle de bain, lieu de labeur (hygiénisme), peut en même temps être un lieu de plaisir (hédonisme) et participe de notre quête du bonheur (eudémonisme) (Quéval).

Bibliographie : P. Aries, La famille sous l'ancien régime ; G. Vigarello, La propre et le sale ; D. Lebreton, La sociologie du corps ; I. Quéval, Le corps aujourd'hui ; G. Mermet, Francoscopie.


*THE BATHROOM

Improving of hygiene is a part of the changes in the daily comfort, especially through the democratization of equipment in homes. We focus on bathroom, trying to understand how it is organized, and evaluate how our body adapts to this environment.
Bathroom is a relatively recent innovation. In the nineteenth century, was developed shower cubicles in the army and modern collective bathroom. It is only at the end of the nineteenth century that the first bathrooms, on the model of American hotels, appeared (Vigarello). Bathroom, as an extension of bedroom, incorporates the general process of space individualization in bourgeois environment (Aries). This place requires a complex urban infrastructure of pipes, to better connect man to housing and to the city and manage its organic flows. In France, in 1973, only 44% of homes had toilet, bathroom and central heating (Mermet). Today, bathroom is widespread and customized through different styles : natural, technological, exotic, etc. Hedonistic dimension complete hygienist aspect.
Bathroom is a small but functional room in a corner of the house. Smaller than kitchen, it also requires water inlets, a sewage system, energy for heating, devices and lighting, when natural light is insufficient or absent. This piece undergoes sudden changes of temperature and is subject to moisture. It must be evacuated by air. This room is usually cluttered with objetcs and must have a sink, a shower tray, sometimes a bath, furniture and shelves. There are also doors, curtains, hooks, soap, towels etc. Handles can be installed for disabled. Walls surface and floor are usually tiled to resist water. Colors can be bright or neutral, using for example white for its hygienic connotation. Many objects are present : bathrobes, towels, bath towels, bath mats, mirrors, accessories, instruments, more or less sophisticated apparatus and many beauty products (soaps, shampoos, creams, perfumes, makeup, etc.).
With this description, we must add a subjective understanding of practice. You can take your time and relax, or be in a hurry. Many movements are usual and spontaneous. Space is organized through a series of perceptions and actions, exceptionally rich for such a small space. Since we take care of our body, we tend to move in multiple directions. The large number of objects, tasks, precautions, especially because of the water, leads us to visit the space in all directions. There are plenty of hiding places, hollows, drawer bottoms, more or less dusty or sticky, stray objects, etc. Furniture is often adjustable to compensate for the narrowness of the space. It is important to think of this environnement in action and not just as it is presented in spare parts in supermarkets. We must also consider cost, cleaning and recycling of these facilities.
The way we live, use and developp bathroom depends on cultures, even if modern lifestyle tends to be standardize due to the diffusion of industrial technology devices. There is differences depending on age, gender, social class, character, and so. Therefore, it is important to observe habits of a wide range of people. The use of bathroom follows a precise ritual, because of repetition, and follows a routine, more or less pleasant, reassuring or boring, depending on the case. Initially, it is a task, a domestic work, to wash our self or clothes. Bathroom space itself is regularly cleaned. We can say that the main activity is to get rid of dirt, of superfluous, unnecessary and repulsive material. What is targeted is our animality, through hair, odors, secretions, etc. Thus, toilet aims to raise us to a perfect identity, beauty, delivering us of what is considered ugly. We can compare this to cooking that turns raw into cooked and corpse into appetizing meat. So we are rapidly led to exceed usefull activity for superfluous and decorative ornament. The task becomes art, pleasure and leisure. If you can afford it, you can buy additional equipment, such as a jacuzzi. In addition, we know that we will be morally judged by others on the care we provide to our toilet. It should appear correct, even cared. We must not forget that washing is similar to ablution, to religious purification. So there is a moral dimension of cleaning.
Bathroom is a place for our body where we are naked, unlike room, where we dress. Skin and flesh are uncover and worked. Our body can be regarded as a rubbed, carved, shave and rinsed object. But it is also that through which we perceive our environment and ourselves (proprioception). Thus, we perceive objects, sounds, identify signs that guide our action, feel heat, odors, but also our muscles relax and eyes stinging in the shower. In bathroom, we live moments that are rich in more or less pleasant sensations. We note that erotisme is not absent in this place, because of our nakedness, skin contacts, smells, heat and wet. Like bedroom, bathroom is a very intimate place. This is a remote corner, lonely, protected from others eyes, where shame and bashfulness disappear. However, bathroom can be shared with a family member or staff, in case of hospitalization for example. At home, objects and products can be pooled, and sometimes we must identify what is our own compared with others affairs.
Bathroom is a place where we take care of body, as there are places where we can eat, do sports or be treated. Maintenance of our body is for ourselves and together for others. It is building our public image, work for our staging, to please, to charm, to be recognized and feel comfortable in others eyes (Lebreton). We can say that bathroom is a design studio of our selves, of self- architecture. We construct an identity that both responds to collective imagination and be distinguished through a personal image. We work to be younger or older, thinner or bigger, looking in the mirrors to fit what we perceive with what we imagine, and not always make the difference. This is why bathroom, place of work (hygienism), can be simultaneously a nice place (hedonism) and part of our pursuit of happiness (eudaimonia) (Queval) .
 


Bibliographie : P. Aries, La famille sous l'ancien régime ; G. Vigarello, La propre et le sale ; D. Lebreton, La sociologie du corps ; I. Quéval, Le corps aujourd'hui ; G. Mermet, Francoscopie.


lundi 16 septembre 2013

LA SURFACE

Nous vivons au contact des choses et des gens mais tentons sans cesse de percer cette surface pour saisir le sens et la profondeur de ce que nous percevons. Nous ne nous contentons donc pas de ce qui apparaît à nos sens et cherchons à appréhender l'essence dissimulée des choses. Ceci laisse supposer que la surface est insuffisante et qu'il faut chercher au-delà. Que lui manque-t-il au juste ? Pourquoi ne pas nous en contenter ? Doit-on négliger la surface et nous concentrer uniquement sur ce qu'elle protège ?

"Superficiel". C'est le terme dépréciatif désignant la surface dans toute sa vacuité. Nous disons d'une personne qu'elle est superficielle quand elle joue un rôle et essaie d'incarner des valeurs de manière factice. De même, on qualifie de superficielle une personne qui ne s'attache qu'à son apparence physique, sans se soucier de sa grandeur d'esprit ou de cœur. L'hypocrisie est aussi une attitude superficielle qui consiste à témoigner d'une gentillesse qui n'est pas éprouvée en réalité.
Les philosophes ont souvent critiqué la superficialité des rapports sociaux. Nous sommes en quelque sortes enfermés dans l'image que nous voulons donner aux autres et qui est liée à notre statut ou notre fonction dans la société. Or ce que nous sommes au fond ne saurait se résumer au rôle social que nous jouons (Sartre). Il s'agit soit de découvrir un moi plus profond et authentique (Bergson), soit de concevoir l'identité personnelle comme une construction (Nietzsche).
On a parfois comparé la société à une sorte de carapace venue recouvrir et dénaturer la nature originelle de l'homme (Rousseau). Le temps et les conventions nous ont inculqué des habitudes sans fondement, qui masquent l'essence de l'homme en général. Les philosophes des lumières pensent ainsi qu'en dépit des différences de cultures, les hommes appartiennent au fond à une même famille. Même la couleur de peau, dans ce cadre, nous apparaît comme une surface insignifiante qui ne nous autorise pas à juger autrui. Seuls les actes témoignent de l'être réel et profond de chacun.
On a tendance parfois à qualifier le monde moderne de superficiel en raison de l'importance accordée à la possession matérielle et de l'influence considérable des images sensationnelles publicitaires ou médiatiques. Ainsi G. Debord appelle-t-il "société du spectacle" notre société basée sur les apparences et le mensonge. Cela laisse supposer, d'une part, que la société doit se moraliser, c'est-à-dire adopter à l'avenir des valeurs meilleures ou, d'autre part, qu'elle doit retrouver l'authenticité qui caractérisait les sociétés passées (Heidegger).
La société de consommation tend à produire des objets superficiels, c'est-à-dire des gadgets ou des accessoires inutiles. Les objets kitsch n'ont pas de réelle fonction. Ils ont moins de valeur que les objets utilitaires ou encore les œuvres d'art (ou certains jeux qui conservent un sens ou un intérêt en dépit de leur gratuité). L'objet tout à fait superficiel est jetable, éphémère, tributaire des modes passagères et des caprices. Il est purement ornemental, tout en étant de mauvais goût.
La critique de la superficialité (vanité) du monde en général peut se faire au nom de la religion (Ecclésiaste) mais aussi de la philosophie, en particulier au nom de la raison et de la science. Le philosophe nous invite à nous hisser hors de la caverne (Platon) ou à entrer en nous-mêmes (Descartes), afin de ne pas nous laisser leurrer par les illusions des sens. Ce projet consiste à partir à la recherche de la vérité, de la réalité en soi et d'un arrière monde stable caché derrière l'apparence mobile des choses terrestres. C'est aussi une façon de s'émanciper par la pensée du désordre et des malheurs de la vie (conflits, vieillesse, mort, etc.). Enfin, c'est un objectif pour la science qui doit être capable de saisir l'ordre qui régit les phénomènes apparemment instables.
Ce qui nous apparaît immédiatement se donne comme absurde et inexpliqué tant que l'on n'a pas saisi l'origine ou la finalité d'un phénomène. On peut recourir à une explication magique ou scientifique pour tenter de comprendre ce qui nous arrive. Nous sommes donc naturellement portés à chercher le sens de ce qui est, en nous demandant d'où viennent et où vont les effets de surface que nous observons.
Lorsque l'on compare la surface d'une chose à son volume général, on est souvent frappé par sa minceur, voire sa fragilité. La surface peut protéger comme une peau, tout en étant elle-même vulnérable. Il importe donc d'entretenir les surfaces pour éviter que l'altération ne s'étende à l'ensemble, même si parfois il ne s'agit que d'un ravalement de façade. La surface possède aussi une sous face, comme la doublure d'un manteau, le dessous d'un plafond ou la surface de l'eau vue de l'intérieur de l'eau. Mais la sous-face est de même de nature que la surface, en dépit du point de vue que l'on adopte, et s'oppose pareillement au fond.
A propos des langues, on peut assimiler le signifiant (mot) à une surface servant à exprimer un contenu : le signifié (idée). Les signes sont donc destinés à exprimer des idées. Si l'on ne parvient pas à interpréter ces signes, on en reste à la surface sans comprendre le sens de ce que nous entendons ou lisons.

Nous venons de voir en quoi la notion de surface connote l'imperfection, l'incomplétude, l'inachèvement, l'insuffisance. L'homme tend naturellement à compléter les apparences et la surface des choses par une réflexion sur leur nature, leur profondeur. Toutefois, on doit veiller à ne pas perdre pied par rapport au réel et à ne pas s'enfoncer dans l'obscurité d'un hypothétique arrière-monde. C'est ce que l'on peut reprocher au mystique ou au scientifique perdu dans ses abstractions et déconnecté de la vie ordinaire. Le fanatique également paraît plonger son regard au loin, dans l'au-delà d'une utopie déraisonnable, au nom de son mépris pour un ici-bas qu'il juge superficiel. Ce mépris peut aussi porter sur les gens ordinaires considérés comme futiles et ignorants.
Au contraire, le philosophe terre à terre (matérialiste, hédoniste, pragmatique) nous invite à ne pas trop nous perdre dans nos rêveries ou nos spéculations. Par exemple, il exige que toute théorie soit confirmée par l'expérience, que toute opinion soit examinée par d'autres. Il désire aussi que nous restions attachés à la vie, au plaisir, que nous sachions apprécier le chatoiement du monde plutôt que de nous sacrifier corps et âmes à de vaines idoles. La complexité et la mobilité de la surface, dans ce cas, n'est plus un défaut mais au contraire un enrichissement.
Revaloriser la surface et le monde ordinaire peut entraîner une réhabilitation de la vie sociale. Nous devons accepter de nous construire en fonction du regard des autres, car nous existons en fonction de leur regard. Ne plus être vu et reconnu s'est disparaître un peu. L'approfondissement de la vie nécessite certes un certain retrait solitaire pour réfléchir sur sa condition, mais c'est toujours par rapport à ce que nous vivons avec les autres. Dans ce sens, la difficulté ne consiste plus à s'écarter de la vie publique, comme les moines du moyen-âge, mais au contraire à s'affronter à la vie mondaine et au monde en surface. Non plus sortir seul de la caverne, mais s'y plonger avec les autres pour y décrypter les ombres mouvantes.
C'est d'ailleurs un trait discutable de notre époque que de nous inviter à nous exposer en public, à livrer nos secrets intimes et à séduire par l'exposition de notre soit disant personnalité véritable - sans négliger cependant d'importants correctifs cosmétiques. Vivre à la surface du monde, au grand air vaut mieux dit-on que de chercher vainement la vérité dans les profondeurs en se renfermant sur soi. La surface perçue ainsi est exposée en plein jour, elle respire. On accepte alors la matérialité des choses et de son propre corps. Bronzé, sportif, l'homme de l'extérieur brille, comparé à l'ouvrier enchaîné au fond de l'usine ou au triste bureaucrate penché à son bureau. Se dresse ainsi la figure du golden boy, de l'homme public, de la vedette, qui surplombe les profondeurs du haut de son building, tandis que les gens ordinaires grouillent au creux des rues ou dans les galeries du métro. Ainsi, au lieu d'être noyé dans la masse, le héros moderne se dresse à la surface et s'expose sur les premières pages des journaux.
La surface peut se trouver valorisée dans les philosophies plus sensibles à l'esthétique et la poésie qu'à l'aridité scientifique. Au lieu de réduire le réel à une connaissance universelle figée et impersonnelle, comme les modernes, les postmodernes valorisent le flux, la création, la vitalité, l'expérimentation, la spontanéité et la légèreté.
Enfin, bien que légère et souple, la surface reste indispensable du fait de la protection qu'elle nous offre. Que serait l'homme sans les vêtements qui le protègent du froid mais aussi de l'humiliation (au sens où l'homme involontairement nu se sent vulnérable) ? Notre peau à la fois nous protège des agressions extérieures et nous assure un contact charnel avec les êtres.

Nous avons tout d'abord montré en quoi la surface est toujours insuffisante ou mensongère pour l'homme qui, par nature, transcende l'expérience pour en savoir davantage et ne pas se contenter des apparences. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue ce que le monde nous offre comme variété d'expériences. Il importe donc tout autant d'approfondir les situations superficielles que de savoir jouir de la vie. De la même manière, nous devons concilier plaisir à court terme et vision à long terme, jouir d'un côté et prévenir de l'autre. Nous ne pouvons vivre dans la pure spontanéité ni non plus renfermés sur nous-mêmes. De manière générale, fond et surface communiquent ; les choses surgissent à la surface ou bien s'y plongent, apparaissent et disparaissent tout en restant à certains égards les mêmes.

dimanche 8 septembre 2013

La plage

Chaque été nous assistons au phénomène de l'héliotropisme qui consiste en un déplacement massif de population vers les lieux ensoleillés. Il s'agit d'une consommation de l'espace partagée par un grand nombre de gens et propre à une période de l'histoire, approximativement du vingtième siècle à aujourd'hui. Quel est l'origine d'un tel phénomène ? De quelle nature est l'attraction exercée par le soleil, la mer et la plage ? Quelle est la part de naturel ? Quelle est la part de conditionnement culturel dans cette attirance ? De quelle manière sommes-nous conditionnés ? L'attirance pour la plage est-elle partagée par tous ? Des esprits critiques, voire chagrins, ne partagent pas l'engouement général pour la plage et, même chez les amateurs de plages, certains aspects peuvent être critiqués.

Considérons d'abord ce que la plage a d'attirant. Elle est associée aux idées positives de vacance, de repos, de loisir, de santé, de rencontre, etc. La plage est un espace perçu comme naturel par opposition à la ville (ou même au port) et à l'univers industriel. Cet espace est aussi lié à un temps précis, celui du loisir censé nous soulager du travail. La plage semble être l'équivalent mythologique athée et matérialiste de ce que fut le paradis. Sans doute une grande quantité de gens désirent-ils aujourd'hui "finir leurs jours" au bord de la mer, loin du stress de la ville. La plage et la mer ne sont pas les uniques lieux de loisirs mais, par rapport à la montagne et la campagne, ils sont statistiquement plus fréquentés et ce dans de nombreux pays. Il faut sans doute voir ici la conséquence d'une standardisation des messages médiatiques, des coutumes et de l'usage des transports (même si parfois c'est la plage qui vient à la ville). Il existe donc un imaginaire quasi-mondial de la mer, avec ses plages, son soleil et son sable chaud, ses cocotiers, etc. (sea, sex and sun). On peut observer les activités liées à la plage (avec tous les objets qu'elles supposent) : jeu, sport, baignade, bronzage, repos, sieste, lecture, promenade, etc. Ces activités ont toutes un caractère ludique et gratuit (même s'il existe une économie touristique imposante). On remarque aussi qu'elles sont généralement associées à l'idée de partage ou, en tout cas, à un rapport collectif à l'espace, même si la cohabitation entre plagistes est parfois difficile.
Cet aspect grégaire de la plage entretient un rapport paradoxal avec une conception plus romantique et individualiste. Nous ne perdons pas de vue la figure d'un Robinson Crusoé, seul ou presque face à la nature, en tous cas loin de la foule urbaine et de la civilisation. On peut évoquer également le rapport à la nudité, entière ou partielle, qui à la fois nous émancipe en apparence des codes sociaux et exprime un certain désir de pureté. Il faut souligner la persistance de cette mythologie, alors même que les gens vont généralement à plusieurs sur les plages et que leur nudité reste une façon de se vêtir, en tant qu'elle possède une valeur symbolique au même titre qu'un vêtement. On peut envisager ce rapport imaginaire à la nature également en opposant la terre, lieu habituel de l'homme, à la mer, lieu inhumain, mystérieux et sauvage.
Ne négligeons pas de considérer la notion de plage en un sens plus général. Elle désigne un continuum spatio-temporel applicable par exemple aux sillons d'un disque ou à la surface arrière d'une auto. La plage alors évoque une surface vierge avec son potentiel, c'est-à-dire un lieu ou une durée où tout est possible et peut être fait ou défait. Ainsi la plage évoque-t-elle les notions de mouvement et de liberté.

La plage exprime donc différentes valeurs telles que le repos, le jeu, la liberté, la pureté, la nature etc. Mais une observation plus attentive nous révélera les limites de ce modèle. La plage renvoie à des phénomènes par eux-mêmes caricaturaux : départs massifs de vacanciers, attroupements de plagistes, hausse des prix et baisse de la qualité pour le logement, la nourriture, etc., problèmes environnementaux tant au niveau de l'écosystème que des équilibres sociaux, débauche de mauvais goût, de kitsch, de vulgarité et de laideur, comportements grégaires, etc. Ces aspects sont connus de tous et néanmoins n'entament pas notre engouement pour la plage. Il semble même que nous soyons implicitement tenus de l'apprécier et de nous y rendre pour être bien vus des autres. Ne pas aller à la plage, ou plus généralement en vacance, est parfois considéré comme dévalorisant (pauvreté, maladie, vieillesse, asociabilité, snobisme, etc.). Au contraire, le mérite reviendra à ceux, plus "rusés" ou plus aisés, qui auront su profiter des plages en s'épargnant leurs aspects négatifs (en un lieu méconnu ou sur la plage d'un yacht, par exemple).
Des images négatives antérieures à notre époque continuent à s'attacher également à l'idée de plage. Elles sont distinctes de l'univers des vacances. La plage fut longtemps considérée, avec le port, comme une frontière entre terre et mer, en particulier par les pêcheurs et les marins. Or la mer est d'abord un lieu de travail périlleux. Cette réalité dangereuse refait surface parfois dans l'univers vacancier (le Titanic, Les dents de la mer, etc.). De nombreux récits épouvantables mais toutefois fascinants témoignent de ce retour du refoulé. Le danger prend parfois une tournure romantique avec les histoires de pirates, d'aventuriers ou de bagnards. Il y a un plaisir ambigu qui consiste à se faire peur avec l'eau, comme en témoigne sans doute les hurlements de panique simulés des enfants. La plage reste donc la porte de la mer (ou de la rivière) avec ses menaces. Dans l'antiquité, l'horizon marin se rapporte à l'au-delà et au royaume des morts. Mais la menace n'est pas nécessairement surnaturelle. Jusqu'à une époque récente, les conflits se déroulaient sur les plages où débarquaient les soldats. Notre époque également connaît ses tragédies : tsunamis, pollutions pétrolières, nucléaires, chimiques, naufrage de clandestins etc.

Nous voyons donc que la plage est une réalité physique qui condense beaucoup de fantasmes contradictoires, paradisiaques et infernaux. Soit la plage est vue comme un lieu de liberté, de pureté ou de loisir ; soit elle est perçue comme un lieu vulgaire ou dangereux. La plage est ainsi une surface où se projette notre imaginaire et il importe de tenir compte de celui-ci dans l'ensemble de ses aspects. Même les moins agréables peuvent être à l'origine d'une réjouissance paradoxale, dans la mesure où nous aimons jouer avec ce qui nous inquiète. Il s'agit aussi de ne pas masquer toute la réalité par souci de séduire. Il faut également informer, sensibiliser, responsabiliser etc. 




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http://www.saint-jean-de-monts.com/actualites-rubrique_webmag-929-FR-WEBMAG-WEBMHISTO|WOTSJDM|WMAGHIST3.html

mercredi 17 juillet 2013

LES INTERFACES HOMMES-MACHINES

http://www.readidesignlab.com/2013/07/15/les-interfaces-humains-machines/

L'interface désigne la zone de contact entre deux choses, l'espace entre les deux faces de choses en contact ou en relation. C'est le lieu des interactions, des actions réciproques entre ces deux choses. Lorsqu'une bille en frappe une autre, la zone de choc et de transfert d'énergie est une zone "inter-faciale". Pour des choses plus complexes, l'interface garantit le lien entre deux systèmes. Le clavier et l'écran constituent des interfaces entre le système organique de l'homme et le système électronique de l'ordinateur. L'interface désigne alors ce qui relie l'homme à la machine. Le volant d'une voiture permet de contrôler le véhicule mais aussi de sentir l'amplitude de nos mouvements. L'interface désigne enfin ce qui relie l'homme au monde. Une pelle est une interface entre l'homme et le sol. Elle permet d'agir sur le sol en le creusant, mais aussi de sentir la résistance du sol. L'interface est donc ici un prolongement de la main. Elle prolonge en quelque sorte nos organes physiques d'action et de perception.
Pour approfondir notre analyse des interfaces (aussi bien tangibles, comme les musicbottles du Massashussets Institute of Technologie, qu'immersives, avec le head tracking, la stéréo, le retour haptique, etc.), nous adopterons un découpage philosophique : l'approche esthétique (I) portera sur notre rapport sensible aux choses et consistera à se demander comment les interfaces modifient notre rapport sensible au monde ; l'approche logique (II) concernera la façon dont nous connaissons le monde et nous nous interrogerons sur la question du monde réel et des mondes virtuels à travers les interfaces ; enfin l'approche éthique (III) portera sur les relations entre les hommes induites par les interface et nous verrons comment les interfaces interfèrent dans les rapports sociaux.


I. ESTHÉTIQUE

Nous allons nous intéresser en premier lieu au rapport sensible de l'homme au monde, en tant que ce rapport est déterminé par les interfaces. Dans un premier temps, il s'agit de qualifier ces interfaces en réfléchissant à l'évolution de nos outils à travers les âges. Ensuite, nous nous concentrerons sur notre expérience sensible. En d'autres termes, nous étudierons d'abord les corps physiques inanimés (outils, instruments, machines) ; et ensuite la chair qui nous constitue et qui est notre interface naturelle avec le monde, les autres étant artificielles et qualifiées de prothèses (stylo, lunette, vêtement, etc.).

A. Les choses-ustensiles
Sartre qualifie les objets qui nous entourent de choses-ustensiles pour indiquer que tout peut être perçu à la fois en terme de matière et de forme, selon les apparences, et en terme de fonction et d'usage, selon l'essence. Par exemple, ce qui apparaît comme un lit en bois (matière et forme) se donne simultanément comme ce qui permet de dormir (fonction). Nous distinguerons, parmi les choses ustensiles, celles qui ont pour vocation principalement l'action (par exemple un marteau) et celles qui visent surtout la connaissance (par exemple un livre).

1) L'action
Lorsque nous considérons les ustensiles, nous les voyons d'abord comme des moyens d'agir sur la matière. Les outils primitifs servent à trancher, tailler, creuser, coudre, tirer, lier, peindre, etc. Mais, bien entendu, les ustensiles ont subi une évolution importante, grâce à laquelle nous sommes passés de la pierre taillée à la navette spatiale. Ce processus génétique et historique s'accompagne de différenciations génériques et logiques. On distingue, par exemple, les outils manuels et les machines motorisées. On peut aussi faire la différence entre l'outil impersonnel et l'instrument plus précis et personnalisable (adaptabilité). On observe en outre une automatisation des machines, avec des systèmes d'auto-régulation (le thermostat), leur personnalisation, des interactions entre différentes machines et objets (connectivité), etc. Bien entendu, nous pouvons relire cette histoire comme étant également celle des interfaces, dans la mesure où les ustensiles sont par définition en contact avec leurs utilisateurs.

a) Notions : Internet des objets, mobilité, DIY, Cybernétique, rétro-action, feed-back (Wiener), concrétisation (Simondon), interfaces batch, ligne de commande, textuelle, graphique et naturelle, agent intelligent, autonomie, chaîne outillée IHM, connectivité, Machine to Machine, convergence numérique (regroupement), coopération Honme Machine, design d'interaction, input et out put device, domotique, Web 1.0 (descendant), 2.0 (transversal), 3.0 (ubiquitaire), robotique, ergonomie physique, interface matérielle,

b) Bibliographie :
Alembert, J. R. D. L. Discours Préliminaire De L’encyclopédie: Publié Intégralement D’après L’édition De 1763 Avec Les Avertissements De 1759 Et 1763, La Dédicace De 1751, ... Des Notes, Une Analyse Et Une Introduction. (Ulan Press, 2012).
Brun, J. Le rêve et la machine: Technique et Existence. (La Table Ronde, 1992).
Burger, D. & Sperandio, J. C. Communication non visuelle homme-ordinateur. (Inserm, 1993).
Chabot, P. & Hottois, G. Les philosophes et la technique. (Librairie Philosophique Vrin, 2003).
Ducassé, P. Histoire des techniques. (Presses Universitaires de France - PUF, 1992).
Dugas, R. Histoire de la mécanique. (Jacques Gabay, 2000).
Faucheux, M. Norbert Wiener, le Golem et la cybernétique : Eléments de fantastique technologique. (Editions du Sandre, 2008).
Feenberg, A. (Re)penser la technique : Vers une technologie démocratique. (La Découverte, 2004).
Ferry, L., Ferenczi, T. Penser la technique. (Complexe, 2001).
Flusser, V. Choses et non-choses : Esquisses phénoménologiques. (Jacqueline Chambon, 1996).
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Giedion, S. La Mécanisation au pouvoir. (Denoël, 1983).
Gille, B. Histoire des techniques : Technique et civilisations, technique et sciences. (Gallimard, 1978).
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Leroi-Gourhan, A. L’Homme et la Matière. (Albin Michel, 1943).
Leroi-Gourhan, A. Le Geste et la Parole, tome 1 : Technique et Langage. (Albin Michel, 1964).
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Murphy, R. R. Introduction to Ai Robotics. (MIT Press, 2001).
Rousseau, J.-J. Discours sur les sciences et les arts. (Le Livre de Poche, 2004).
Sartre, J.-P. L’être et le néant. (Gallimard, 1976).
Sennett, R. Ce que sait la main : La culture de l’artisanat. (Editions Albin Michel, 2010).
Séris, J.-P. La Technique. (Presses Universitaires de France - PUF, 1994).
Serres, M. Hominescence. (Le Pommier, 2001).
Simondon, G. Du mode d’existence des objets techniques. (Editions Aubier, 2012).
Sloterdijk, P. Règles pour le parc humain: suivi de La Domestication de l’être. (Fayard/Mille et une nuits, 2010).
Umberto, E. La Structure absente: Introduction à la recherche sémiotique. (Mercure de France, 1972).
Vioulac, J. L’époque de la technique. Marx, Heidegger et l’accomplissement de la métaphysique. (Presses Universitaires de France - PUF, 2009).
Wiener, N. Norbert Wiener. Cybernétique et société. eCybernetics and society the human use of human beingse. Traduit de l’anglais. (Deux-Rives, 1952).

2) La connaissance
Une histoire parallèle est possible et nécessaire concernant les produits destinés non pas uniquement à agir sur la matière mais à transmettre de l'information. Les moyens d'action et d'information sont intrinsèquement liés : pas de train sans télégraphe, pas d'avion sans radio, etc. Parmi les premiers outils d'information, on peut citer le miroir, qui permet de se percevoir ; le stylo et la tablette, qui permettent de communiquer dans la durée et à distance ; le télescope et le microscope qui augmentent les capacités de l’œil nu ; le mètre et le chronomètre etc. Les technologies de l'information actuelles poursuivent un mouvement évolutif, où les interfaces telles que le clavier et l'écran laissent place à des interfaces tactiles, haptiques, vocales, tangibles, immersives, collaboratives, mobiles, miniaturisées, invasives etc. Tout comme les interfaces orientées vers l'action, celles qui visent la connaissance voient leur puissance et leur plasticité augmenter. On observe même une hybridation des objets d'action et de connaissance (convergence, intégration, polyvalence). Par exemple, un téléphone portable peut servir à déclencher un mécanisme à distance ; une vitre protectrice peut servir en même-temps d'écran tactile.

a) Notions : Calcul, écran, crowd sourcing, open data, folksonomie, indexation personnelle, médiologie, intelligence collective, virtuel, simulation, interaction, big data, ergonomie cognitive, terminal d'information, user friendly, informatique ubiquitaire, vestimentaire, sérendipité, intelligence artificielle, interface formelle, échange, métaphore, internet des objets, identité virturéelle, multi, trans, cross-média ;

b) Bibliographie :
La Recherche en intelligence artificielle - recueil d’articles sur l’I.A. (Editions du Seuil et La Recherche , Points, Sciences, 1987).
Bateson. Vers une écologie d’esprit, tome 1. (Seuil, 1995).
Benjamin, W. L’Oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. (Allia, 2011).
Brown, D. M. Communicating Design: Developing Web Site Documentation for Design and Planning. (New Riders, 2006).
Butow, E. User Interface Design for Mere Mortals? (Addison Wesley, 2007).
Coadic, Y.-F. L. La science de l’information. (Presses Universitaires de France - PUF, 2004).
Debray, R. Introduction à la médiologie. (Presses Universitaires de France - PUF, 2000).
Derrida Jacques, Echographies de la television : entretiens filmes. (Galilée, 1997).
Dreyfus, H. L. Intelligence artificielle. (Flammarion, 1992).
Floch, J.-M. Identités visuelles. (Presses Universitaires de France - PUF, 1995).
Personnalite En Informatique Theorique: John Von Neumann, Alan Turing, Donald Knuth, Kurt Godel, Marcel-Paul Schutzenberger, Claude Shannon. (Books LLC, Wiki Series, 2011).
Hiver, M. Adorno et les industries culturelles : Communication, musiques et cinéma. (L’Harmattan, 2010).
Kolski, C. Ingénierie des interfaces homme-machine: Conception et évaluation. (Hermes Sciences Publicat., 1993).
Leavitt, D. Alan Turing : L’homme qui inventa l’informatique. (Dunod, 2007).
Levy, P. L’Intelligence collective : Pour une anthropologie du cyberspace. (La Découverte, 1997).
McLuhan, M. Pour comprendre les média: Les prolongements technologiques de l’homme. (Seuil, 1977).
Moles, A. L’image : communication fonctionnelle. (Casterman, 1996).
Norman, K. L. Cyberpsychology: An Introduction to Human-Computer Interaction. (Cambridge University Press, 2008).
Packard, V. La persuasion clandestine. (Calmann-Lévy, 1970).
Pignier, N. & Drouillat, B. Le webdesign : Sociale expérience des interfaces web. (Hermes Science Publications, 2008).
Quinton, P. Design graphique et changement. (L’Harmattan, 2000).
Raskin, J. The Humane Interface: New Directions for Designing Interactive Systems. (Addison Wesley, 2000).
Stiegler, B. La technique et le temps, tome 3 : Le temps du cinema et la question du mal être. (Galilée, 2001).
Vallery, G. Ergonomie et conception de produits et de services médiatisés. (Presses Universitaires de France - PUF, 2010).


B. L'expérience
Nous avons considéré les choses ustensiles comme des interfaces entre l'homme et la matière. Ces choses ustensiles sont elles-mêmes matérielles. Si l'on remonte plus en amont, au point de contact entre notre corps et ces objets, nous arrivons au point précis de notre rapport existentiel et expérimental au monde et à la question de la manière dont nous nous y incarnons.

1) La perception
Lorsqu'on parle d'expérience, on s'intéresse en premier lieu à la sensibilité et la réceptivité, c'est-à-dire à la façon dont les choses nous apparaissent et se donnent à nous. Cette perception est fondée sur les organes sensibles que sont les yeux, le nez, la bouche, la peau et la chair qui nous relient au monde. Nous sommes plongés, immergés dans le flux du monde, grâce au contact vivant de notre chair avec son environnement. Toutefois, il est encore trop abstrait de réduire l'expérience à la chair, puisqu'il nous faut également un système nerveux et une conscience éduquée pour interpréter les données sensibles. Des prérequis appris entrent donc dans la composition de l'expérience éprouvée au contact des choses. La perception comprend à la fois la stabilité des formes expérimentées et la variabilité des perspectives et des impressions. Le livre que je lis, par exemple, reste le même, tandis que je fais défiler les mots devant mes yeux. Si le livre en soi reste le même n'importe quand et n'importe où, la variabilité et la matérialité de l'expérience subjective, elle, s'inscrit dans le temps et l'espace. Le champ esthétique spatio-temporelle peut s'analyser selon trois dimensions : avant-pendant-après, pour le temps ; et hauteur-longueur-profondeur, pour l'espace. Ces catégories permettent d'étudier, par exemple, la différence entre les interfaces linéaire (1D), graphique (2D) et tangible (3D) ; ou entre les fonctions d'enregistrement (passé), de manipulation (présent), de simulation (futur), etc.
a) Notions : optique, acoustique et haptique, tactile, cutané, tangible, interface naturelle, immersion, situation, contexte, circonstance, polysensorialité, synesthésie, kinesthésie, multimédia, image fixe et animée, dimensions, expérience utilisateurs, prothèse (rétentionnelle), rétention tertiaire (Stiegler), corps, immanence, cinéma, son, lumière, texture, toucher, olfaction, gustation, expérience design, désirabilité, hédonisme, sensation, émotion, incarnation, embodiment, empathie, multimodalité sensorielle, interfaces vocale, gestuelle, intuition, graspable, technologie calme, ergonomie, gestalt, hodolologie (Lewin), web temps réel ;

b) Bibliographie :
Anzieu, D. Le Moi-peau. (Dunod, 1995).
Bergson, H. Essai sur les données immédiates de la conscience. (Presses Universitaires de France - PUF, 2007).
Breton, D. L. Anthropologie du corps et modernité. (Presses Universitaires de France - PUF, 2011).
Condillac, A. de. Traité des sensations. (2011).
Daumal, S. Design d’expérience utilisateur : Principes et méthodes UX. (Eyrolles, 2012).
Deleuze, G. & Guattari, F. Capitalisme et Schizophrénie, tome 2 : Mille Plateaux. (Editions de Minuit, 1980).
Descartes, R. Méditations métaphysiques. (Flammarion, 2009).
Diderot, D. Lettres sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient. (Folio, 2004).
Fraisse, P. Psychologie du rythme. (Presses Universitaires de France (PUF), 1992).
Gibson, J. J. L’approche écologique de la perception visuelle. (Éditions MF, 2011).
Guillaume, P. La Psychologie de la forme. (Flammarion, 1999).
Hume, D. Enquête sur l’entendement humain. (Flammarion, 2006).
Husserl, E. Idées directrices pour une phénoménologie. (Gallimard, 1985).
Ihde, D. Technology and the Lifeworld: From Garden to Earth. (Indiana University Press, 1990).
Kohler, W. La psychologie de la forme. (Folio, 2000).
Kuniavsky, M. Observing the User Experience: A Practitioner’s Guide to User Research. (Morgan Kaufmann, 2003).
Locke, J. Essai sur l’entendement humain. (Le Livre de Poche, 2009).
Lucrece. De la nature - de rerum natura. (Flammarion, 1999).
Merleau-Ponty, M. Phénoménologie de la perception. (Gallimard, 1976).
Nancy, J.-L. Corpus. (Editions Métailié, 2000).
Nogier, J.-F. Ergonomie du logiciel et design Web : Le manuel des interfaces utilisateur. (Dunod, 2005).
Raskin, J. The Humane Interface: New Directions for Designing Interactive Systems. (Addison Wesley, 2000).
Rossi, J.-P. L’approche expérimentale en psychologie. (Dunod, 1997).
Sartre, J.-P. Esquisse d’une théorie des émotions. (Le Livre de Poche, 2000).
Tognazzini, B. Tog on Interface. (Addison Wesley, 1992).


2) Le comportement
Nous aurions tort de réduire l'expérience à un passivité purement contemplative, et d'envisager les sensations et les émotions indépendamment des actions. Tout comme les objets sont choses-ustensiles, notre vie est percepto-comportementale ou sensori-motrice. Les choses arrivent et nous affectent en tant que nous les désirons ou les repoussons activement. Elles apparaissent au sein des nos actions, qu'elles soient délibérées ou automatiques, issues du choix ou de l'habitude. Nos gestes les plus fonctionnels, comme tailler un crayon, et les plus gratuits, comme caresser un chat, génèrent des proprioceptions, c'est-à-dire des perceptions de nous-mêmes et de nos mouvements (kinesthésie). Ainsi nous évoluons dans le monde (comme nous naviguons sur internet) en interagissant avec les choses et les personnes sur un mode plus ou moins ludique ou sérieux.
a) Notions : jeu, attention, ubiquité, visite virtuelle, simulation, apprentissage, adapta-tion-bilité-tivité, ergonomie, design centré utilisateur ou participative, monde de la vie, gamification, jeu sérieux, utilitaire, récompense & sanction, compétition et coopération, schème comportemental, interface gestuelle, proprioception, haptique (volume, poids, force, vibration), télé-opération, action, praxis, pratique, technique, pragmatique, behaviorisme, interface intelligent, sans commande, grammaire gestuelle (tap, drag, flip, press), multitouch, parcours utilisateur, story board, scénario, séquence, réalité virtuelle ou univers virtuel, utilisation (normale) & usage (détourné).

b) Bibliographie :
Bisseret, A. Représentation et décision experte. Psychologie cognitive de la décision chez les aiguilleurs du ciel. (Octarès Editions, 1995).
Blanchet, P. La pragmatique: D’Austin à Goffman. (Bertrand Lacoste, 1995).
Bouisset, S. Biomécanique et physiologie du mouvement. (Editions Masson, 2002).
Caillois, R. Les Jeux et les hommes : Le masque et le vertige. (Folio, 1992).
Célerin, S. & Plasse, F. Gamification : Enjeux, méthodes et cas concrets de communication ludique. (Territorial Editions, 2012).
Dourish, P. Where the action is the foundations of embodied interaction (MIT Press Ltd, 2004).
Gnassounou, B. Textes Clés de philosophie de l’action. (Librairie Philosophique Vrin, 2007).
Grandjean, É. Précis d’ergonomie : Organisation physiologique du travail... (Dunod, 1969).
Hall, E. T. La dimension cachée. (Seuil, 1978).
Huizinga, J. Homo ludens. (Gallimard, 1988).
Kasbi, Y. Les serious games. Une révolution. (CCI DE LIEGE, 2012).
Leplat, J. Repères pour l’analyse de l’activité en ergonomie. (Presses Universitaires de France - PUF, 2008).
Mauss, M. Sociologie et anthropologie. (Presses Universitaires de France - PUF, 2010).
Maybury, M. T. Intelligent Multimedia Interfaces. (MIT Press, 1993).
Merleau-Ponty, M. La structure du comportement. (Presses Universitaires de France - PUF, 2013).
Norman, D. A. (The Design of Everyday Things (Basic Pbk)) By Norman, Donald A. (Author) Paperback on. (Basic Books, 2002).
Perény, E. Images interactives et jeu vidéo. De l’interface iconique à l’avatar numérique. (Questions Théoriques, 2012).
Pillon, T. Problemes Humains du Machinisme Industriel de Georges Friedmann Etude de Socilogie du Travail. (Ellipses Marketing, 2009).
Saffer, D. Designing Gestural Interfaces. (O’Reilly Media, 2008).
Schermerhorn, J.-R., G.Hunt, J., N.Osborn, R. & Billy, C. de. Comportement humain et organisation. (ERPI, 2010).
Schütz, A. Le chercheur et le quotidien : Phénoménologie des sciences sociales. (Klincksieck, 2008).
Sennett, R. Ce que sait la main : La culture de l’artisanat. (Editions Albin Michel, 2010).
Warnier, J.-P. La mondialisation de la culture. (La Découverte, 2004).
Winnicott, D. W. Jeu et réalité. (Gallimard, 2002).
Wittgenstein, L. Recherches philosophiques. (Gallimard, 2005).


II. LOGIQUE

L'approche esthétique se concentrait sur l'analyse des objets matériels et celle de notre expérience sensible. L'approche logique va s'intéresser à la manière dont nous obtenons des informations sur le monde en tant que système de signes. Elle nécessite de prendre en compte les facultés mentales impliquées dans cette activité.

A. Les signes
Nous avons vu que nous sommes confrontés à des choses-ustensiles qui nous permettent à la fois d'agir et d'apprendre. Cela suppose que les choses aient du sens (signifié) et fassent signe (signifiant). Nous allons distinguer abstraitement deux types de signes : les signes pratiques, qui indiquent comment agir, et les signes théoriques, qui renseignent sur le monde.

1) Signes pratiques
Nous nommons signes pratiques les objets en tant qu'ils nous indiquent par leur forme comment et pourquoi les utiliser (affordance). Un escalier apparaît en indiquant comment adapter notre pas et le fait que nous puissions monter et descendre grâce à lui. Ce phénomène suppose une éducation plus ou moins longue, selon que la pratique est plus ou moins naturelle (boire un verre) ou sophistiquée (conduire un Boeing). Les signes pratiques appartiennent à des univers aussi différents que ceux des loisirs ou des travaux domestiques et professionnels.

a) Notions : signalétique, icône, symbole, usage, geste, interaction, rétroaction, gestalt & associationniste, global & analytique, ergonomie, affordance, dénotation & connotation, accessibilité, adaptabilité, attention sélective ou partagée, simplicité, simplexité, design for all, utilisabilité, efficacité & efficience, acceptabilité pratique et sociale.

b) Bibliographie :
Pumain, D. & Saint-Julien, T. Analyse spatiale : les interactions. (Armand Colin, 2010).
Norman, D. A., Youssef, T. : K. B., Charentenay, C. de, Sbalchiero, S. & Cahour, P. : B. Design Emotionnel Pourquoi Aimons-Nous Ou Detestons-Nous les Objets Qui Nous Entourent. (De Boeck, 2012).
Fontanille J., Corps et sens. (PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE - PUF, 2011).
Grandjean, É. Précis d’ergonomie : Organisation physiologique du travail. (Dunod, 1969).
Alexandre, V. Eléments de praxéologie : Contribution à une science des actes. (Editions L’Harmattan, 2003).
Heidegger, M. Être et Temps. (Gallimard, 1986).
Rogers, Y., Preece, J. & Sharp, H. Interaction Design: Beyond Human-Computer Interaction. (John Wiley & Sons Ltd, 2011).
Cicéri, M.-F., Marchand, B. & Rimbert, S. Introduction à l’analyse de l’espace. (Armand Colin, 2012).
Jacobi, D. La signalétique : Principes et mises en oeuvre. (Editions Errance, 2013).
Umberto, E. La Structure absente: Introduction à la recherche sémiotique. (Mercure de France, 1972).
Wildbur, P. & Burke, M. Le Graphisme d’information : Cartes, diagrammes, interfaces et signalétiques. (Thames & Hudson, 2004).
Montmollin, M. de. L’ergonomie. (La Découverte, 1990).
Sperandio J.-C. L’Ergonomie dans la conception des projets informatiques. (Octares, 1993).
Pumain, D., Saint-Julien, T., Dumas, E. & Mathian, H. Les interactions spatiales. (Armand Colin, 2001).
Karsenty, L. L’incompréhension dans la communication. (Presses Universitaires de France - PUF, 2008).
Nielsen, J. & Budiu, R. Mobile Usability. (New Riders, 2012).
Denis, J. & Pontille, D. Petite sociologie de la signalétique : Les coulisses des panneaux du métro. (Presses de l’Ecole des mines, 2010).
Latour, B. Petites leçons de sociologie des sciences. (Editions La Découverte, 2006).


2) Signes théoriques
Les objets ne nous indiquent pas uniquement comment il faut s'en servir mais aussi des états de choses. Un gros nuage sombre, par exemple, indique qu'il va pleuvoir. Une inscription sur une porte précise ce qui se trouve dans la pièce qu'elle dissimule. Ce qui est indiqué n'est pas nécessairement une chose réelle mais peut être fictive. Un journal, par exemple, peut comprendre, en plus des photographies de personnages réels, des dessins de personnages fictifs.

a) Notions : information design, graphisme, texte & image, raisonnement spatial, pensée visuelle, gestalt, communication, information, message, media, medium, médiologie, cognitivisme, épistémologie, théorie de la connaissance, arborescence, écologie de l'information, info-pollution, économie de l'attention, géolocalisation, hypermédia, hypertexte (non linéaire), interface neurale (non musculaire), interface orientée objet, modèle mental, simplexité (A Berthoz), repésentation, intuition, insight, signe, calcul, cognition, information, communication.

b) Bibliographie :
Annick Weil-Barais, L’homme cognitif. (Presses Universitaires de France - PUF).
Barthes, R. L’aventure sémiologique. (Seuil, 1991).
Camus, J.-F. La psychologie cognitive de l’attention. (Armand Colin, 1996).
Dagognet, F. Philosophie de l’image. (Librairie Philosophique Vrin, 2000).
Dreyfus, H. L. What Computers Still Can’t Do: A Critique of Artificial Reason. (MIT Press, 1992).
Dupuy, J.-P. On the Origins of Cognitive Science: The Mechanization of the Mind. (MIT Press, 2009).
Escarpit-R. Theorie generale de l’information et de la communication. (Hachette, 1990).
Gibson, R. G. Object oriented technologies. (Idea Group Inc (IGI), 2000).
Greimas, A. J. (Algirdas J. & Courtés, J. Sémiotique. (Hachette, 1993).
Mattelart, A. Histoire des théories de la communication. (La Découverte, 2004).
Morris, C. W. (Charles W. (1903-1979). Signification and significance : a study of the relations of signs and values. (Cambridge Mass. : M.I.T. Press Massachusetts Institute of Technology, 1964).
Morville, P. Ambient Findability: What We Find Changes Who We Become. (O’Reilly Media, 2005).
Nardi & O’Day, V. Information Ecologies: Using Technology With Heart. (MIT Press, 1999).
Nogier, J.-F. Ergonomie du logiciel et design Web : Le manuel des interfaces utilisateur. (Dunod, 2005).
Peirce, C. S. Ecrits sur le signe. (Seuil, 1978).
Saussure, F. de. Cours de linguistique générale. (Payot, 1995).
Sfez, L. La communication. (Presses Universitaires de France - PUF, 2010).
Simon, H. A. Les Sciences de l’artificiel. (Folio, 2004).
Valentin, A. & Lucongsang, R. L’Ergonomie des logiciels. (ANACT, 1987).
Véron, E. La Semiosis sociale : Fragments d’une théorie de la discursivité. (PU Vincennes, 1995).
Vouillon, C. Marketing et géolocalisation sociale : Démarquez-vous avec Foursquare, Facebook, Plyce, Dismoioù et plus. (Editions Diateino, 2011).
Wittgenstein, L., Granger, G.-G. & Russell, B. Tractatus logico-philosophicus. (Gallimard, 2001).
Wodtke, C. & Govella, A. Information Architecture: Blueprints for the Web. (Pearson Education, 2009).


B. Les facultés
Le fait de considérer les choses comme des signes suppose que nous possédions une conscience analysable en diverses facultés. On peut considérer que certaines d'entre-elles nous renseignent sur la réalité tandis que d'autres débordent la réalité pour inventer, simuler, anticiper, etc.

1) La réalité
Nous accédons à la réalité grâce à l'intuition sensible fondée sur nos impressions et nos perceptions. Faire du vélo, par exemple, suppose de faire corps avec le véhicule et de bien visualiser l'endroit où l'on circule. Faire du vélo repose sur la synthèse de tous les affects et les actes du cycliste. Entrent en ligne de compte également les informations passées qui font qu'il sait faire du vélo. Jouer à un jeu vidéo, même si celui-ci représente un univers virtuel, nécessite au moins cette capacité d'être en contact avec la réalité du jeu en lui-même.

a) Notions : Traçabilité, authenticité, modèle, original, auteur, droit, confidentialité, ubiquité, Rfid, capteurs, détecteurs, tangibilité, immersion, 3D, télévision, télécommande, mémorisation, réalisme, matière, palpation, sérieux, interface sensorielle, raison, situated interface, réalité augmentée (2D sur 3D), réalité mixte, head tracking, retour haptique, présence, actualité, acte, effectivité, post-pc (D Clarck), tansparence, pervasivité, ubiquité, interface tangible (objet réel & environnement virtuel), chose, objet, réalité, réalisme, métaphysique, vérité, effectivité, concret

b) Bibliographie :
Aristote. Physique. (Flammarion, 1999).
Bachelard, G. La formation de l’esprit scientifique. (Librairie J Vrin, 2000).
Comte, A. Discours sur l’esprit positif. (Vrin 2002).
Descartes, R. Méditations métaphysiques. (Flammarion, 2009).
Feyerabend, P. Contre la méthode. (Seuil, 1988).
Hume, D. Enquête sur l’entendement humain. (Vrin, 2008).
Husserl, E. Chose et espace : Leçons de 1907. (Presses Universitaires de France - PUF, 1989).
Kant, E. Critique de la raison pure. (Flammarion, 2006).
Kuhn, T.-S. La structure des révolutions scientifiques. (Flammarion, 2008).
Piaget, J. La Psychologie de l’intelligence. (Armand Colin, 2012).
Platon. La République. (Flammarion, 2002).
Proulx, P.-L. D. Réalisme et vérité : Le débat entre Habermas et Rorty. (L’Harmattan, 2012).
Quine, W. V. O. Le mot et la chose. (Flammarion, 2010).
Russell, B. Signification et vérité. (Flammarion, 1993).
Whitehead, A. N. Procès et réalité: Essai de cosmologie. (Gallimard, 1995).


2)La virtualité
Le terme virtuel peut être pris en plusieurs sens. Il est synonyme parfois d'imaginaire. Un univers virtuel, comme celui de second life, peut être très éloigné de la réalité - ne plus faire cette distinction serait être fou et croire que ce qui n'arrive pas en vrai a pourtant bien lieu. Mais le virtuel peut être aussi ce qui aura lieu plus tard. Nous pouvons anticiper une choses qui va arriver. L'imagination peut rester en phase avec la réalité et être rationnelle. Dire qu'un morceau de papier est inflammable n'est pas délirer mais, au contraire, être conscient de la réalité, même si le papier n'est pas actuellement en feu.

a) Notions : Jeu, virtuel, possible, imaginaire, mythe, légende, rumeur, narration, réalité augmentée, avatar, fiction, apparence, illusion, affichage tête haute, cloud computing, métaphore (bureau, dossier, corbeille), interface sans commande, internet des objets, ubiquitaire, spectacle, théâtre, simulacre, simulation, schématisation, image, imagination, construction, invention, mensonge

b) Bibliographie
Artaud, A. Le Théâtre et son double / Le Théâtre de Séraphin. (Folio, 1985).
Baudrillard, J. Simulacres et simulation. (Editions Galilee, 1981).
Burdea, G. & Coiffet, P. La réalité virtuelle. (Hermes Sciences Publicat., 1993).
Cadoz, C. Les réalités virtuelles. (Flammarion, 1994).
Castells, M. La Galaxie Internet. (Fayard, 2002).
Debord, G. La société du spectacle. (Gallimard, 1996).
Estivals, R. Théorie générale de la schématisation. Tome 1, Epistémologie des sciences cognitives. (Editions L’Harmattan, 2002).
Fleury, C. Imagination, imaginaire, imaginal. (Presses Universitaires de France - PUF, 2006).
Greenfield, A. Everyware : La révolution de l’ubimédia. (FYP éditions, 2007).
Levy. Qu’est ce que le virtuel ? (La Découverte, 1998).
Malebranche, N. & Kolesnik-Antoine, D. De la recherche de la vérité : Livre 2, De l’imagination. (Librairie Philosophique Vrin, 2006).
Milon, A. La réalité virtuelle : Avec ou sans le corps ? (Editions Autrement, 2005).
Quéau, P. Eloge de la simulation : De la vie des langages à la synthèse des images. (Champ Vallon, 1986).
Sartre, J.-P. & Elkaïm-Sartre, A. L’imaginaire. (Gallimard, 1986).
Schopenhauer, A. Le monde comme volonté et comme représentation. (Presses Universitaires de France - PUF, 2004).
Segal, L. Le rêve de la réalité : Heinz von Foerster et le constructivisme. (Seuil, 1990).
Sussan, R. Demain, les mondes virtuels. (FYP éditions, 2009).
Tisseron, S. Vérités et mensonges de nos émotions. (Le Livre de Poche, 2011).
Vincent, H. Art, connaissance et vérité chez Nietzsche : Commentaire du Livre II du Gai Savoir. (Presses Universitaires de France - PUF, 2007).
Watzlawick, P. L’invention de la réalité - contributions au constructivisme. (Seuil, 1996).


III. ÉTHIQUE

Nous avons considéré, dans un premier temps, les objets et l'expérience que nous en faisons d'un point de vue esthétique. Puis, d'un point de vue logique, nous venons de voir comment ils transmettent des informations et comment nous en produisons nous-mêmes virtuellement. A présent, il nous faut nous demander comment ces rapports sensibles et intellectuels avec les choses influencent nos rapports aux autres. Le point de vue éthique est tout aussi déterminant que les autres pour comprendre le rôle des interfaces. Les valeurs éthiques ne portent pas sur ce qui est vrai ou faux, comme dans le cas de la logique, mais sur ce qui est bien ou mal ou, en termes plus utilitaristes, sur les inconvénients et les avantages.

A. Les inconvénients
Les inconvénients liés aux interfaces apparaissent à travers nos réactions de défense contre l'environnement technologique. Les opinions péjoratives concernant les machines reposent sur des arguments que nous essaierons de résumer en termes de mensonge et de contrôle.

1) Le mensonge
Si l'on considère la dimension artificielle de la machine, on peut être amené à penser qu'elle-même est mensongère, en tant qu'elle voile et pervertit la nature, ou en tout cas que l'on nous ment par son intermédiaire. Les machines forment alors un écran entre nous et le monde naturel et le monde social. Elle induit par exemple des comportement eux-mêmes mécaniques, ou encore égoïstes, et une foule de problèmes environnementaux. De plus, les machines sont intégrées au système d'économie de marché dans lequel la séduction des gadgets et des modes l'emporte sur l'utilité sociale réelle. La question se pose alors de savoir si le design numérique peut vraiment contribuer à améliorer le monde ou s'il doit se contenter de fournir des produits rentables (en laissant aux travailleurs sociaux et humanitaires le soin de venir en aide aux autres par des méthodes conventionnelles). Globalement, les critiques les plus pessimistes dénoncent la déréalisation du monde, son devenir spectaculaire et artificiel, la propagande politique et commerciale, la standardisation des pensées, la marchandisation de toute chose, l'abrutissement généralisé par la dispersion et l'accélération des échanges, l'accroissement des inégalités (fossé numérique), etc.

a) Notions : Ecran, mass-média, industrie culturelle, obsolescence, green-washing, simulacre, aliénation, réification, inégalité, individualisation, surcharge informationnel, info-pollution, conditionnement, propagande, hétéronomie, dépendance, addiction, ritualisation, superstition, spectacle, massification, fracture numérique, psychopouvoir, persuasion, fracture numérique.

b) Bibliographie :
Adorno, T. W. Kulturindustrie. (Allia, 2012).
Anders, G. L’obsolescence de l’homme. (Encyclopédie des nuisances, 2002).
Baudrillard, J. La société de consommation. (Gallimard, 1996).
Benjamin, W. L’Oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. (Allia, 2011).
Bernays, E. Propaganda : Comment manipuler l’opinion en démocratie. (Zones, 2007).
Biagini, C. L’emprise numérique : Comment internet et les nouvelles technologies ont colonisé nos vies. (Editions L’échappée, 2012).
Biagini, C., Carnino, G., Izoard, C. & Collectif. La Tyrannie technologique : Critique de la société numérique. (Editions L’échappée, 2007).
Ellul, J. Le système technicien. (Le Cherche Midi, 2012).
Ellul, J. Le bluff technologique: Préface de Jean-Luc Porquet. (Fayard/Pluriel, 2012).
Flipo, J.-P. La consommation citoyenne : Origines, significations, enjeux. (L’Harmattan, 2012).
Flusser, V. Petite philosophie du design. (CIRCE, 2002).
Latouche, S. L’occidentalisation du monde : Essai sur la signification, la portée et les limites de l’uniformisation planétaire. (Editions La Découverte, 2005).
Latour, B. & Lippmann, W. Le Public fantôme. (DEMOPOLIS, 2008).
Marcuse, H. L’Homme unidimensionnel: Essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée. (Editions de Minuit, 1968).
McDonald, M. & Wearing, S. Social Psychology and Theories of Consumer Culture: A Political Economy Perspective. (Routledge, 2013).
McLuhan, M. Pour comprendre les média: Les prolongements technologiques de l’homme. (Seuil, 1977).
Mentec, M. L. Pour en finir avec la fracture numérique. (FYP EDITIONS, 2011).
Mumford, L. Technique et Civilisation. (Seuil, 1950).
Packard, V. La persuasion clandestine. (Calmann-Lévy, 1970).
Stiegler, B. Etats de choc: Bêtise et savoir au XXIe siècle. (Fayard/Mille et une nuits, 2012).
Stiegler, B., Petit, P. & Bontens, V. Economie de l’hypermatériel et psychopouvoir. (Mille et une nuits, 2008).
Toffler, A. La 3ème vague. (Denoël, 1984).
Virillio, V. La bombe informatique. (Galilée, 1998).


2) Le contrôle
L'autre aspect qui peut être souligné est la perception du modèle numérique et technologique comme instrument de calcul et de contrôle. La surveillance (tracking) de nos objets et de nos actions, ainsi que la gestion des informations, représentent une menace pour nos libertés. Pour des raisons marketings, administratives ou policières nous sommes pistés sans bien en avoir conscience. Nous sommes en outre engagés dans un système d'ultra-diponibilité pour autrui, dans notre travail, nos achats et notre vie personnelle. La connexion massive des individus les isole les uns des autres et du réel, en même temps qu'elle assure leur synchronisation dans un monde virtuel.

a) Notions : Tracking, surveillance, sous-veillance, cybernétique, calcul, arraisonnement, internet des objets, détecteur, capteur, monitoring, convergence, centralisation, transparence, panoptique, catoptique, fourmi, ciblage, conditionnement, profiling, casting, ergonomie incitative, persuasive, interface atentive, self tracking, life logging, biopolitique, technocratie, extimité.

b) Bibliographie :
About, I. & Denis, V. Histoire de l’identification des personnes. (Editions La Découverte, 2010).
Agamben, G. Qu’est-ce qu’un dispositif ? (Rivages poche, 2007).
Bégout, B. De la décence ordinaire : Court essai sur une idée fondamentale de la pensée politique de George Orwell. (Allia, 2008).
Curien, N., Muet, P.-A., Cohen, E., Didier, M. & Collectif. La société de l’information. (La Documentation Française, 2004).
Cutro, A. Technique et Vie Biopolitique et Philosophie du Bios Dans la Pensée de Michel Foucault. (L’Harmattan, 2011).
Deleuze, G. Pourparlers 1972-1990. (Minuit, 2003).
Déotte, J.-L., Kramer, S. & Méchoulan, E. Le milieu des appareils. (L’Harmattan, 2008).
D’ oeuvre, P. et main. Terreur et possession : Enquête sur la police des populations à l’ère technologique. (Editions L’échappée, 2008).
Foucault, M. Surveiller et punir: Naissance de la prison. (Gallimard, 1993).
Hjorth, L. S., Eichler, B. A. & Khan, A. S. Technology And Society: Issues for the 21st Century and Beyond. (Prentice Hall, 2007).
Huerta, M. G. de la. Critique de la raison technocratique. (L’Harmattan, 1997).
Lefebvre, H. La Survie du capitalisme : La reproduction des rapports de production. (Anthropos-Economica, 2002).
Leman-Langlois, S. Technocrime: Policing and Surveillance. (Routledge, 2012).
Manach, J.-M. La vie privée, un problème de vieux cons ? (FYP éditions, 2010).
Ocqueteau. Contrôles et surveillances dans le cyberespace. at
Rallet, A. & Rochelandet, F. Réseaux, N° 167, Juin-juillet : Données personnelles et vie privée. (Editions La Découverte, 2011).
Razac, O. & Brossat, A. Avec Foucault, après Foucault : Disséquer la société de contrôle. (L’Harmattan, 2008).
Wolton, D. Internet, et après ? : Une théorie critique des nouveaux médias. (Flammarion, 2010).


B. Les avantages
Nous avons évoqué les aspects inquiétants du numérique qui doivent être pris en compte par les designers. Quant aux aspects positifs, ils reposent sur les attentes optimistes suscitées par les capacités exceptionnelles de l'informatique. Le courant principal mise sur les idées de développement, de croissance, d'économie durable et solidaire, et un accès généralisé au monde bio-numérique. Des courants plus alternatifs espèrent une révolution par le numérique, à travers des pratiques dissidentes et participatives. Pour comprendre cet optimisme, nous nous intéresserons aux applications et aux modèles organisationnels proposés.
1) Les applications
Les applications du numérique et de ses interfaces sont aussi diverses que les différents champs existants de la technique (ou que les ministères) : économie, santé, éducation, environnement, défense, social, communication, domotique, culture, art, science, technique, etc. Les machines ont démultiplié notre puissance d'agir en augmentant la réalité par de l'information et de l'accélération, de l'ubiquité, de la personnalisation, de l'automatisation, de la polyvalence, de la connectivité, de la mobilité, etc. Le numérique est venu démultiplier les potentialités déjà offertes par l'univers mécanique.

a) Notions : Education, formation, santé, jeu, simulation, télévision, télé-action, miniaturisation, mobilité, heuristique, compréhension, information, connaissance, concrétisation, assistance, adaptation, individuation, expression, thérapie, art, visite, reconstitution, service, vulgarisation, acceptabilité, besoin fonctionnel ou symbolique, e-santé, e-business, personnalisation, innovation technique, service, social, esthétique relationnelle, art numérique, amateur, réseau social.

b) Bibliographie :
Barats, C. Manuel d’analyse du web en Sciences Humaines et Sociales. (Armand Colin, 2013).
Barthélémy, J.-H. Penser la connaissance et la technique après Simondon. (Editions L’Harmattan, 2005).
Bateson, G. et al. La Nouvelle communication. (Seuil, 1984).
Bourriaud, N. Esthétique relationnelle. (Presses du Réel, 1998).
Cardon, D. La démocratie Internet : Promesses et limites. (Seuil, 2010).
Cardon, D. & Granjon, F. Médiactivistes. (Les Presses de Sciences Po, 2010).
Certeau, M. de, Giard, L. & Mayol, P. L’invention du quotidien, tome 1 : Arts de faire. (Gallimard, 1990).
Couchot, E. & Hillaire, N. L’art numérique. (Flammarion, 2009).
Deleuze, G. & Guattari, F. Capitalisme et Schizophrénie, tome 2 : Mille Plateaux. (Editions de Minuit, 1980).
ERIC, B. Esthétiques de l’écran. (Editions L’Harmattan, 2013).
Flichy, P. Le sacre de l’amateur : Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique. (Seuil, 2010).
Granjon, F., Jouët, J., Vedel, T. & Collectif. Réseaux, N° 170, Octobre-nove : Actualités et citoyenneté à l’ère numérique. (Editions La Découverte, 2011).
Levy, P. L’Intelligence collective : Pour une anthropologie du cyberspace. (La Découverte, 1997).
Mauss, M. Techniques, technologie et civilisation. (PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE - PUF, 2012).
Mercklé, P. Sociologie des réseaux sociaux. (Editions La Découverte, 2011).
Michaud, Y. Humain, inhumain, trop humain : Réflexions philosophiques sur les biotechnologies, la vie et la conservation de soi à partir de l’oeuvre de Peter Sloterdijk Suivi de Le Diable dans les détails. (Climats, 2006).
Miège, B. La pensée communicationnelle. (Presses Universitaires de Grenoble (PUG), 1995).
Moussa, A. si. Internet à l’école : Usages et enjeux. (L’Harmattan, 2000).
Nielsen, J. Conception de sites web : L’art de la simplicité. (CampusPress, 2000).
Picq, P., Serres, M. & Vincent, J.-D. Qu’est-ce que l’humain ? (Editions le Pommier, 2010).
Schumpeter, J. Capitalisme, socialisme et démocratie. (Payot, 1990).
Schutz, A. Eléments de sociologie phénoménologique. (L’ HARMATTAN, 2000).
Simondon, G. L’individuation psychique et collective. (Aubier Montaigne, 1992).
Stiegler, B. Réenchanter le monde : La valeur esprit contre le populisme industriel. (Editions Flammarion, 2008).

2) Les organisations
Contrairement à ceux qui redoutent une dissolution de la société, sous l'effet de l'individualisme et du fossé numérique, les défenseurs du numérique insistent sur les nouvelles possibilités sociales qu'il offre. Plutôt que de nous écarter du réel, la virtualité produite par les nouvelles technologies le complète. Elle fluidifie et dynamise les échanges, la mobilité, le partage d'informations, la collaboration, l'intelligence collective, l'autogestion et l'auto-formation, en même temps qu'elle forme des contre-pouvoirs.

a) Notions : Multitouch, tangibilité, interaction, intelligence collective, participation, collaboration, concertation, autogestion, DIY, FAb Lab, co-création, co-innovation, web 2.0, Crowdsourcing, impartition à grande échelle, design thinking, open data, amateur, expert volontaire, bénévolat, alternatif, design de service, interactif, dialogue, conversation, disponibilité, folksonomie, open innovation, média sociaux, mobilité, design thinking, reliance, action collective, dynamique des groupes, amateur, transparence.

Amar, G. Homo mobilis. Le nouvel âge de la mobilité, éloge de la reliance. (FYP éditions, 2010).
Brown, T. & Katz, B. L’Esprit design: Le design thinking change l’entreprise et la stratégie. (Pearson Villqge Mondial, 2010).
Castells, M. La Société en réseaux. (Fayard, 2001).
Chignard, S. L’Open data : Comprendre l’ouverture des données publiques. (FYP éditions, 2012).
Collectif, Proulx, S. & Jauréguiberry, F. Internet, nouvel espace citoyen ? (Editions L’Harmattan, 2003).
Diberder, A. L. & Chantepie, P. Révolution numérique et industries culturelles. (Editions La Découverte, 2010).
Dumas, B. & Seguier, M. Construire des actions collectives : Développer les solidarités. (Chronique Sociale, 2004).
Ertzscheid, C., Faverial, B. & Guéguen, S. Le Community Management - Stratégies et bonnes pratiques pour interagir avec vos communautés. (Diateino, 2010).
Flichy, P. Le sacre de l’amateur : Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique. (Seuil, 2010).
Florida, R. The Rise of the Creative Class, Revisited. (Basic Books, 2012).
Gorz, A. Métamorphoses du travail : Critique de la raison économique. (Folio, 2004).
Guellec, D. & Ralle, P. Les nouvelles théories de la croissance. (La Découverte, 2003).
Mei N. & Boutand J. Transparence et Communication. (L’Harmattan, 2006).
Jauréguiberry, F. & Proulx, S. Usagers et enjeux des technologies de communication. (Erès, 2011).
Levy, P. L’Intelligence collective : Pour une anthropologie du cyberspace. (La Découverte, 1997).
Maisonneuve, J. La dynamique des groupes. (PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE - PUF, 2011).
Mermet, L., Berlan-Darqué, M. & Collectif. Environnement : décider autrement : Nouvelles pratiques et nouveaux enjeux de la concertation. (L’Harmattan, 2009).
Nguyen, G. D., Créach, P. & Collectif. Recherches Sur la Societe du Numerique et Ses Usages. (L’Harmattan, 2011).
Pignier, N. & Drouillat, B. Le webdesign : Sociale expérience des interfaces web. (Hermes Science Publications, 2008).
Racquez, S. Innovation créative. (Edipro, 2011).
Safko, L. & Brake, D. K. The Social Media Bible: Tactics, Tools, and Strategies for Business Success. (John Wiley & Sons Ltd, 2009).
Sartre, J. P. Critique de la Raison dialectique, tome 1 : Théorie des ensembles pratiques. (Gallimard, 1985).
Simmel, G. Sociologie. Études sur les formes de la socialisation. (PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE - PUF, 2013).

CONCLUSION
Il apparaît clairement que les nouvelles technologies de l'information s'inscrivent dans une évolution des ustensiles qui a pour effet de transformer notre rapport sensible et intellectuel au monde. Les paysages, les lieux de vies, les conditions de travail, de détente et de construction de la société n'ont cessé d'évoluer. Avec l'informatique, le numérique, la télématique, etc. ce n'est pas simplement notre puissance physique qui est transformée mais notre rapport à l'information, à l'organisation, à l'espace et au temps. Notre rapport au réel ne fut jamais pur de toute implication symbolique, sous des formes rationnelles ou non. Seulement, le chevauchement entre le monde virtuel et le monde réel, à une époque de nostalgie vis-à-vis de la nature et de la vie simple, peuvent nous conduire à nous interroger sur l'utilité et le fondement des outils de communication. Nous visons sans doute à simplifier l'accès aux nouvelles technologies tout en garantissant sa pénétration dans la vie quotidienne. Cette tendance n'est pas sans induire des modifications sociales, dans notre manière de communiquer, de nous organiser ensemble, d'échanger, de lutter, etc. Il n'y a pas de transformation sans dialectique de la destruction et de la construction. Il est donc nécessaire de s'interroger sur ce que l'on construit, ce que cela détruit, ce que cela régénère. Les designers qui fabriquent le monde de demain sont à la croisée de multiples préoccupations, qui vont de la rentabilité de leur produit à l'élaboration d'une nouvelle éthique de vie.


Nantes, Avril 2013

Crédit photo http://lewebpedagogique.com/lapasserelle/2012/09/11/le-fordisme-son-histoire-son-heritage-et-ses-critiques/